Trudeau nie s’être ingéré dans le pouvoir judiciaire

8 février 2019
Dominique Lemoine

Bien que le pouvoir judiciaire soit théoriquement séparé des pouvoirs législatif et exécutif, des agents du bureau politique du premier ministre auraient fait pression sur la ministre de la Justice et procureure générale, Jody Wilson-Raybould, pour qu’elle persuade les procureurs fédéraux de laisser tomber les poursuites pour fraude et corruption contre la firme SNC-Lavalin, selon le Globe and Mail.

Justin Trudeau a nié que son bureau politique ait donné un « ordre » à Wilson-Raybould, mais la réaffectation de cette dernière au ministère des Anciens combattants en janvier 2019, sa déclaration subséquente qui soulignait un besoin de davantage d’indépendance pour le rôle de procureur général, ainsi que son silence après les révélations du Globe and Mail, ont laissé les observateurs au minimum perplexes.

C’est un pilier de notre démocratie que notre système de justice soit exempt de toute ingérence politique [voire d’apparence d’ingérence] et qu’il conserve la plus grande confiance du public. J’ai toujours pensé que le procureur général du Canada devait être non partisan, plus transparent dans les principes sur lesquels s’appuient les décisions et, à cet égard, toujours être prêt à dire la vérité au pouvoir. C’est ainsi que j’ai servi tout au long de mon mandat dans ce rôle. (Traduction : La Presse)

Texte original : It is a pillar of our democracy that our system of justice be free from even the perception of political interference and uphold the highest levels of public confidence. As such, it has always been my view that the Attorney General of Canada must be non-partisan, more transparent in the principles that are the basis of decisions, and, in this respect, always willing to speak truth to power. This is how I served throughout my tenure in that role.

Jody Wilson-Raybould, P.C., Q.C., M.P., Minister of Veterans Affairs and Associate Minister of National Defence, Member of Parliament for Vancouver Granville

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Questionné sur la possibilité que son bureau ait plutôt fait pression, sans ordonner, dans le cadre de conversations avec la ministre et procureure générale au sujet du dossier SNC-Lavalin, Trudeau aurait répondu que la « relation de travail avec tous les membres de son cabinet est positive et formidable ».

Selon le Globe and Mail, Jody Wilson-Raybould, dans son rôle de ministre et de procureure générale, donc de représentante du pouvoir exécutif, aurait refusé de persuader les procureurs fédéraux, qui relèvent du pouvoir judiciaire, de conclure un accord avec la firme d’ingénierie et de construction pour éviter le procès criminel qu’elle cherche à éviter depuis 2015, notamment parce que sa culpabilité pourrait mener à son bannissement des contrats publics fédéraux canadiens pour dix ans.

Les accusations des procureurs contre SNC-Lavalin, depuis 2015, sont basées sur une enquête de la Gendarmerie royale du Canada, selon laquelle SNC-Lavalin aurait versé, entre 2001 et 2011, des millions de dollars en pots de vin à des fonctionnaires libyens pour obtenir des contrats publics.

Le Globe and Mail fait remarquer que, selon le site internet du Service des poursuites pénales du Canada, le procureur général « peut émettre une directive au directeur des poursuites publiques au sujet d’une poursuite ou même assumer la conduite d’une poursuite », à condition « de le faire par écrit » et qu’une note soit publiée dans la Gazette du Canada.

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