L’industrie financière n’est pas cheffe de file en environnement
25 octobre 2018
Dominique Lemoine
Les épargnants sont plus avant-gardistes en environnement que les institutions financières qui se prétendent à l’avant-garde en environnement.
La Facture rapportait en octobre que Desjardins justifie l’inclusion d’investissements pétroliers dans certains de ses fonds de placement nommés SociéTerre en affirmant notamment que le pétrole est un produit encore « absolument nécessaire », car il n’a pas encore de « produit de remplacement ».
En comparaison, selon une publicité Desjardins pour promouvoir ses portefeuilles SociéTerre, ces derniers méritent de porter leur nom par leur exclusion d’investissements dans des entreprises des secteurs de l’armement, du nucléaire et du tabac, dont les produits ne sont pas absolument nécessaires.
Cependant, selon une cliente déçue qui avait découvert dans son fonds SociéTerre des investissements dans le secteur pétrolier, si les établissements financiers s’avancent sur des thèmes tels que la protection de l’environnement, « il faut s’attendre à ce qu’il y a ait des réactions chez les clients s’ils font des choses qui sont en contradiction » avec leurs prétentions.
« Si ça ce sont les fonds éthiques, qu’est-ce qu’il y a dans les fonds qui ne le sont pas? », avait-elle déploré. À son avis, « c’est un peu de l’écoblanchiment, c’est donner l’apparence d’être vert. Au niveau de la publicité marketing on a visé les gens soucieux au niveau de l’environnement et puis on y met une pétrolière, donc il y a comme un non-sens ici, ça marche pas ».
Selon La Facture, Desjardins a augmenté son nombre de fonds SociéTerre sans pétrole (six sur treize) après un sondage auprès de ses clients.
Rapport de force encore insuffisant pour faire avancer les banques plus vite
Par contre, une des raisons qui permettent aux institutions de se prétendre vertes sans renoncer aux rendements fournis par les entreprises pétrolières et gazières est que tous les épargnants n’ont pas non plus la même sensibilité sur les enjeux et les moyens.
Selon une spécialiste dont les propos ont été rapportés par La Facture, les gens qui boycottent les industries polluantes ne pèsent pas encore suffisamment lourd « pour changer [l’industrie financière] au complet ». À son avis, « si eux [ceux qui boycottent] n’investissent pas, il y aura toujours un autre investisseur, parce que tous n’ont pas la même sensibilité ».
L’Association pour l’investissement responsable (AIR), qui dit représenter l’industrie de l’investissement responsable au Canada, affirme, dans son plus récent rapport, privilégier pour ses membres un « filtrage positif » d’inclusion « d’entreprises qui se dirigent dans la bonne direction », plutôt qu’un « filtrage négatif » d’exclusion d’entreprises qui polluent.
Une vision des choses qui semble être partagée par Desjardins, qui mentionne, dans une autre publicité sur l’investissement responsable, que « les secteurs miniers et énergétiques représentent une partie importante du marché boursier canadien » et que « les inclure permet de les influencer », tandis que « les exclure vous priverait du rendement qu’ils génèrent ».
Verts à condition que...
Selon les gestionnaires et propriétaires d’actifs qui ont répondu au plus récent sondage de l’AIR, les premières raisons de tenir compte de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernement d’entreprise seraient de gérer le risque, d’améliorer les rendements au fil du temps, de satisfaire la demande des clients et de respecter l’obligation fiduciaire.
Selon Desjardins, « si on faisait juste du produit vert vert vert, malheureusement on ne serait pas en mesure ultimement d’offrir un produit financier intéressant. On ne serait pas capable d’accomplir notre promesse : profitable pour vous et profitable pour nous ».
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