Ce que l’investisseur raisonnable a besoin ou n’a pas besoin de savoir

28 septembre 2018
Dominique Lemoine

L’AMF propose aux émetteurs assujettis de valeurs mobilières de se demander si la nature de leurs activités exige d’être révélée à « l’investisseur raisonnable » typique pour qu’il puisse prendre des décisions d’investissement et de vote éclairées.

Dans son Avis relatif aux obligations d’information en matière d’esclavage moderne qui est cité dans le Sommaire des activités de surveillance et de réglementation de la Direction principale du financement des sociétés, l’Autorité des marchés financiers du Québec (AMF) rappelle aux émetteurs de valeurs mobilières que l’esclavage moderne, selon l’Organisation internationale du Travail (OIT) », inclut le travail forcé, la servitude pour dettes, la traite des personnes et le travail des enfants.

L’AMF ajoute que l’OIT estimait en 2014 à 150 milliards de dollars américains le profit tiré du travail forcé à l’échelle mondiale. Elle laisse entendre que les émetteurs assujettis qui profitent de l’esclavage moderne, directement ou indirectement dans leur chaîne d’approvisionnement ou de sous-traitance, ne le communiquent pas nécessairement toujours à leurs actionnaires, en particulier dans les secteurs des mines, de la construction, du manufacturier, du divertissement et de l’agriculture.

Dans un contexte de croissance de l’investissement responsable et considérant notamment des risques de dommages à la réputation, l’AMF propose ainsi aux entreprises d’utiliser le critère de « l’investisseur raisonnable » pour définir les informations qui doivent être communiquées aux investisseurs individuels et institutionnels de manière conforme à la réglementation en matière d’information continue.

« Le facteur déterminant à prendre en compte dans l’appréciation des éléments d’information à divulguer est la notion d’importance. L’importance s’apprécie en fonction du critère de l’investisseur raisonnable. L’information concernant l’esclavage moderne est importante si la décision d’un investisseur raisonnable, d’acheter, de vendre ou de conserver des titres de l’émetteur serait différente si l’information était passée sous silence ou formulée de façon incorrecte », soutient l’AMF.

Cependant, l’AMF ne ferme pas la porte à ce que des informations ne soient pas volontairement divulguées ou qu’elles soient gardées secrètes si elles ne sont pas jugées « importantes ». À son avis, « les émetteurs qui divulguent de l’information volontairement quant à leurs initiatives en matière d’esclavage moderne doivent évaluer l’importance de cette information et l’intégrer aux documents d’information continue si celle-ci constitue de l’information importante » pour l’investisseur.

Dans la jurisprudence, l’« investisseur raisonnable » est notamment présenté comme étant un « investisseur réfléchi et rationnel qui, sans être un professionnel du marché, possède des connaissances suffisantes sur les produits et les marchés financiers ».

Selon l’examen des pratiques de 20 émetteurs inscrits à la Bourse de Toronto et ayant une capitalisation boursière d’un milliard de dollars et plus qui a été effectué par le personnel de l’AMF, « seulement 10 % des émetteurs de l’échantillon ont adressé de manière plus spécifique l’enjeu de l’esclavage moderne » et « 35 % ont adopté un code de conduite applicable aux fournisseurs qui interdit le travail forcé ou le travail des enfants ».

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