La société par actions La Presse (2018) inc. n’est ni un OSBL, ni un OBNL

2018-08-13
Willie Gagnon, Le MÉDAC

Dans le communiqué  de La Presse du 8 mai 2018, il est écrit :

« Le président de La Presse, M. Pierre-Elliott Levasseur, annonce l’intention de La Presse d’adopter une structure sans but lucratif qui bénéficiera d’une contribution financière de l’ordre de 50 millions de dollars de la part de Power Corporation. […] De façon pratique, une Fiducie d’utilité sociale sera constituée. L’acte de Fiducie sera rendu public au moment de sa constitution. »

Le lendemain, dans le texte  de Pierre-Elliott Levasseur (Le mot du président, lapresse.ca, 8 mai 2018 et La Presse+, 9 mai 2018), il est écrit :

« Pour assurer son développement, elle évoluera au sein d’une structure sans but lucratif chapeautée par une fiducie d’utilité sociale qui deviendra l’unique actionnaire de La Presse. »

Aussi, comme il est bien écrit « sans but lucratif » et non « à but non lucratif » (voir la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif), nous aurions été en droit de nous attendre à ce que La Presse soit constituée en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies du Québec :

« Des personnes morales ou associations n’ayant pas de capital-actions, constituées ou continuées par lettres patentes »

Or, dans un communiqué  paru le 14 juin 2018, les termes changent. La Presse écrit désormais la séquence de mots « à but non lucratif », semblant cette fois-ci référer à la loi fédérale.

Qui plus est, dans un cas comme dans l’autre, il ne saurait être question d’« actionnaire » de La Presse, puisque les deux lois l’excluent.

Cependant, après la parution du texte  de Pierre-Elliott Levasseur du 15 juillet 2018, il a été possible de constater, auprès du Registraire des entreprises du Québec, l’inscription de la société « La Presse (2018) inc. » (NEQ 1173734840) en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. La date de constitution de la société figurant au registre est le 1er juin 2018 et la date d’inscription au registre est le 6 juin 2018.

Toujours selon Pierre-Elliott Levasseur, la totalité des actions de la nouvelle société sont détenues par une fiducie d’utilité sociale nommée « Fiducie de soutien à La Presse ». Cette fiducie ne figure pas au registre des entreprises du Québec puisque les fiducies d’utilité sociale ne sont pas considérées « comme des fiducies exploitant une entreprise à caractère commercial ». Or, les « fiducies exploitant une entreprise à caractère commercial » sont les seules dont l’inscription au registre est obligatoire, tel que le précise le Registraire et que le rapportait Conseiller.ca en 2015.

Par ailleurs, dans l’art. 1287 du Code civil du Québec (C.c.Q.), il est écrit :

« 1287. L’administration de la fiducie est soumise à la surveillance du constituant ou de ses héritiers, s’il est décédé, et du bénéficiaire, même éventuel.

En outre, dans les cas prévus par la loi, l’administration des fiducies d’utilité privée ou sociale est soumise, suivant leur objet et leur fin, à la surveillance des personnes et organismes désignés par la loi. »

Nous comprenons donc que la Fiducie de soutien à La Presse sera soumise à la surveillance de son constituant — constituant impossible à identifier formellement, puisque la fiducie ne figure pas au registre des entreprises… — et à la surveillance de La Presse, soit le bénéficiaire de la fiducie.

Ces faits soulèvent une très grande quantité de questions, à commencer par celles-ci :

  • Qui est le constituant de la « Fiducie de soutien à La Presse »?
  • À laquelle des deux entités de la fiducie ou de la société par actions La Presse (2018) inc. les 50 M$ de Power Corporation ont-ils été versés?

Finalement, la question de la gouvernance de cette structure corporative demeure entière. Elle demande à être vidée.

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