Sous lâemprise, voire Ă lâorigine, de la finance extraterritoriale
7 novembre 2017
Dominique Lemoine
Dans le contexte des rĂ©vĂ©lations des Paradise Papers, un article du quotidien français Le Monde propose le portrait dâun Canada qui serait « sous lâemprise de la finance extraterritoriale » depuis au moins des dĂ©cennies.
La Barbade est le troisiĂšme pays oĂč les multinationales canadiennes investissent le plus, aprĂšs les Ătats-Unis et le Royaume-Uni, tandis que « le quart des investissements canadiens Ă lâĂ©tranger vont vers des paradis fiscaux », affirme lâarticle.
De plus, se basant sur des calculs de lâInstitut de recherche en Ă©conomie contemportaine (IRĂC), basĂ© Ă MontrĂ©al, lâarticle soutient que de 1987 Ă 2014 les stocks dâactifs canadiens dans les sept principaux paradis fiscaux ont Ă©tĂ© multipliĂ©s par 37,6.
La somme des actifs canadiens cachĂ©s dans les principaux paradis fiscaux du monde aurait Ă©tĂ© de 231 milliards de dollars en 2016, ce qui reprĂ©senterait une perte de revenus fiscaux dâentre 12 et 20 milliards de dollars pour lâadministration publique.
Des accords signĂ©s entre le Canada et des pays comme les Bermudes permettent aux Canadiens « dây inscrire des actifs quâils gĂ©nĂšrent au Canada avant de les transfĂ©rer au pays sous forme de dividendes exemptĂ©es dâimpĂŽt », ajoute Le Monde, citant Alain Deneault dans Paradis fiscaux : la filiĂšre canadienne.
Façade progressiste mais essence fondamentale conservatrice
« On touche au coeur mĂȘme du double discours des autoritĂ©s canadiennes qui, dâun cĂŽtĂ©, affirment Ă voix haute vouloir lutter contre lâĂ©vasion fiscale et, de lâautre, lĂ©galisent les transferts dans les paradis fiscaux. Le Canada est un acteur central dans le processus "dâoffshorisation". Il est aujourdâhui prisonnier dâune logique quâil a lui mĂȘme contribuĂ© Ă mettre en place, quoi quâen disent ses dirigeants », mentionne Alain Deneault, citĂ© par Le Monde.
Des liens commerciaux et bancaires entre le Canada et ces paradis fiscaux des CaraĂŻbes, dont la JamaĂŻque et les Ăles CaĂŻmans, tous Ă des degrĂ©s divers des dĂ©pendances britanniques, existeraient depuis au moins lâaprĂšs-guerre pour convertir et maintenir ces pays en Ătats de complaisance. Le Monde souligne par ailleurs que les libĂ©raux de Justin Trudeau « viennent dâajouter une place offshore de plus au printemps : Chypre ».
Loi des hommes Ă©crite par et pour ceux Ă qui elle profite
« Il y a tellement de traitĂ©s et de textes fiscaux que nâimporte qui peut dire quâil ne fait rien dâillĂ©gal », selon Lyne Latullipe, une chercheuse Ă la chaire en fiscalitĂ© et finances publiques de lâUniversitĂ© de Sherbrooke qui est aussi citĂ©e par Le Monde.
Prenons par exemple le cas de Stephen Bronfman, qui a rĂ©cemment Ă©tĂ© Ă©pinglĂ© par EnquĂȘte et la CBC, dont la dĂ©claration subsĂ©quente disait : « Stephen Bronfman est un fier Canadien et a toujours respectĂ© la loi, y compris celle en matiĂšre fiscale ».
Sans doute pas faux. Alain Deneault laisse entendre que jusquâĂ maintenant au Canada ce sont des lobbys et des grands groupes miniers, pĂ©troliers, bancaires et dâaffaires, plutĂŽt que les Ă©lus du peuple, qui ont rĂ©ellement Ă©tĂ© aux commandes de lâĂtat et qui ont dĂ©tenu le rĂ©el pouvoir sur lâĂ©diction des lois.
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