L’équilibre au sommet
Les femmes méritent leur place dans les conseils d’administration
2015-08-03
Louise Champoux-Paillé, administratrice de sociétés certifiée
La Presse, Opinions
Depuis plusieurs années, je travaille à l’avancement de la représentation des femmes au sein des conseils d’administration (C.A.) de nos entreprises et organisations. Plusieurs arguments militent pour un accroissement de la présence des femmes.
Il y a d’abord l’idée que les femmes apportent un point de vue différent aux travaux du conseil. Selon cette thèse, les femmes administratrices auraient une plus grande capacité d’écoute, de coopération, de compromis et d’anticipation. Elles seraient, d’une certaine manière, plus enclines au respect de l’éthique ou à une gestion plus prudente des risques.
Tout cela est probablement vrai. Mais l’ensemble de ces raisons éclipse la véritable question fondamentale à se poser. À compétences, expériences et volontés égales, les femmes ont-elles les mêmes chances que les hommes d’accéder à des fonctions décisionnelles dans les C.A. de nos entreprises ?
Lorsqu’il est question d’un meilleur équilibre des sexes au sein des C.A. et de la haute direction, les entreprises canadiennes invoquent souvent la même raison pour ne pas se doter d’objectifs et d’échéances précis, à savoir que les nominations doivent être faites sur la base des « meilleurs talents, connaissances et expériences », que la méritocratie doit être privilégiée et que l’âge, le sexe, les origines ethniques ne doivent pas être considérés comme facteurs discriminants. Voilà comment plusieurs souhaitent clore le débat.
Or, les nominations de femmes au sein des C.A. prouvent qu’elles ont des qualités et des expériences souvent similaires à celles de leurs collègues masculins. De plus en plus de femmes occupent des postes de haute direction, notamment dans les domaines-clés que sont les ressources humaines, la gestion des risques, les relations avec les investisseurs ; toutes des sphères d’excellence fort utiles aux travaux des conseils d’administration. Certes, encore trop peu de femmes se retrouvent au plus haut niveau hiérarchique des entreprises. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’importance démesurée que l’on continue d’accorder à ce facteur (être PDG, par exemple) dans la sélection de candidatures.
Plusieurs femmes sont issues de secteurs socioéconomiques moins fréquentés par les hommes, comme les organisations à but non lucratif et le milieu académique, ce qui ajoute à la diversité des points de vue.
J’ose penser qu’il n’est plus nécessaire de faire la démonstration que les compétences des administratrices et des hautes dirigeantes en fonction se comparent avantageusement à celles des hommes. Les candidates se comptent en nombre suffisant pour répondre à la demande. Elles sont prêtes à relever le défi, pour peu qu’on leur en donne l’occasion.
Alors, après toutes ces années de débat, existe-t-il une véritable égalité des chances pour pourvoir ces postes à compétences, expériences et volonté égales ? Malheureusement, ma réponse est non. Dans l’ensemble des divulgations effectuées par les entreprises dans leurs circulaires de la direction, il faut déplorer que l’on note encore trop peu de signes d’amélioration à l’horizon.
Pour remplir ces postes stratégiques, l’ensemble des talents disponibles devrait être considéré, qu’ils soient masculins ou féminins. Le temps est venu pour les entreprises d’insister auprès de leurs cabinets de recrutement afin de recevoir systématiquement des candidatures féminines lorsqu’un poste est à combler.
L’équilibre des sexes est une question de justice et d’équité avant tout. C’est aussi un enjeu de société.