L’État doit se doter d’une doctrine financière

2019-07-24
Willie Gagnon, Le MÉDAC

Le principe

Jacques Parizeau, alors qu’il siégeait au conseil d’administration du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), disait : « La meilleure façon de procéder serait de mettre sur pied une société qui échangerait tout ce que le gouvernement ou ses sociétés d’État dépensent pour les entreprises contre des participations à l’actionnariat de ces entreprises, quelle que soit leur taille. […] En fait, il faut que les entreprises comprennent que, lorsqu’elles demandent quelque chose, elles vont se retrouver à augmenter la participation de l’État. » (Le Devoir, 21 novembre 2011) Il s’agit là d’un principe fondamental et essentiel — sans être absolu ni être le seul — qui devrait plus que jamais être à la base de la doctrine d’État du Québec quant au monde financier.

Le démantèlement

Le Québec inc. ne s’est certes pas construit tout seul. Il est le fruit de l’intervention de l’État, motorisé par la volonté d’émancipation nationale du peuple du Québec, depuis très longtemps. Or, rien n’étant éternel ni absolument stable par ailleurs, l’organisation de cet espace économique collectif tend à tranquillement se débâtir, morceau par morceau. Cela est parfaitement manifeste. Aussi, les indices qui mènent à envisager l’hypothèse de ce que le Québec inc. soit en train d’être démantelé sont si nombreux qu’il nous faut aujourd’hui résister à la tentation de s’imaginer qu’ils procèdent de volontés coordonnées, d’ici même, de Bay Street, de Wall Street ou d’ailleurs.

L’imposture

Le contexte politique actuel — nouveau gouvernement nationaliste très populaire au Québec, déferlante conservatrice dans les autres provinces, élections fédérales à proximité, projets de réformes au calendrier législatif, etc. — permet en effet de se perdre en conjectures quant aux causes du phénomène, voire en fantasmes. Or, dans ce contexte spécifique justement, il est foncièrement navrant de constater que, de plus en plus souvent, l’État ne procède pas par le truchement d’actions — avec droit de vote — dans ses investissements. Par conséquent, l’État se castre d’un pouvoir substantiel dans la bonne gouverne des affaires, soit le fondement même du principe capitaliste premier : une action égale un vote.

L’essentiel

Une chose est absolument certaine, cependant. Il ne saurait d’aucune manière être admissible, sur quelque plan que ce soit, de se réjouir de la séquence récente de privatisations de sociétés ouvertes ou de leur sortie de la Bourse, de la vente de sociétés québécoises à l’étranger, non plus que de la liquidation massive d’actifs de certains de nos fleurons, notamment. La seule manière d’envisager la chose demeure, encore et toujours, l’organisation structurée des interventions de l’État par l’application rigoureuse d’une doctrine solide et cohérente, dans le respect de grands principes directeurs. Il n’y a pas que la doctrine Gérin-Lajoie qui puisse se concevoir de manière opérationnelle, dans la vie. Il en va non seulement des intérêts financiers des acteurs du régime, mais aussi, et a priori, des intérêts généraux de la population tout entière. À vue de nez, pareille approche aurait pour premier avantage de permettre de transcender les lignes de partis.

La tâche

Voilà pourquoi nous appelons le Québec et son gouvernement — dans la foulée des exercices passés, notamment le rapport Séguin — à une réflexion nationale substantielle sur les principes et les moyens à mettre en place, à moyen et à long terme, pour garantir la protection et la vitalité de l’espace économique qui est le sien. Nous le réclamons.

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