Déni de droit et suppôt de censure
2020-09-18
Willie Gagnon
Couche-Tard a cavalièrement bafoué le droit de parole des actionnaires à son assemblée annuelle en le niant tout simplement.
Non seulement Couche-Tard a-t-elle empêché le MÉDAC de s’adresser verbalement aux actionnaires réunis en assemblée annuelle virtuelle le 16 septembre, mais encore a-t-elle refusé de faire la lecture verbale d’une intervention écrite au soutien des propositions d’actionnaire de l’organisme, comme ce que toutes les autres entreprises avaient rendu possible par ailleurs.
La crise sanitaire engendrée par la pandémie planétaire amène bien sûr son lot de contraintes extraordinaires. Nous le comprenons très bien. Il est cependant lamentable de constater que la plus grande entreprise au pays empêche les interventions verbales (au téléphone, par Internet, etc.) à son assemblée. Et pourquoi donc? Couche-Tard n’est-elle donc pas capable — comme absolument tout le monde, surtout ces temps-ci — d’organiser un appel téléphonique, voire d’utiliser Teams, Skype ou Zoom? D’autant plus que l’agence de services d’assemblée virtuelle retenue par l’entreprise était la même que pour à peu près toutes les autres assemblées virtuelles d’actionnaires qui ont eu lieu cette année : Lumi.
Qui plus est, le dispositif juridique qui permet aux actionnaires de soumettre des propositions aux entreprises est strictement balisé en droit par la Loi, la jurisprudence, la doctrine et la coutume. Il faut notamment relire le jugement Rayle, comme de bien entendu. Nous en savons bien évidemment quelque chose. Nous prenons la parole, verbalement, aux assemblées de toutes les entreprises dont nous détenons des titres et auxquelles nous soumettons des propositions depuis maintenant 25 ans. Aussi, ce n’est pas parce que cela fait plaisir aux dirigeants de ces entreprises que nous pouvons le faire. Ils y sont juridiquement tenus.
Le geste posé par Couche-Tard constitue un formidable coup marquant la fin de la saison des assemblées annuelles. Il s’agit précisément là du contraire de ce à quoi nous aurions été en droit de nous attendre, surtout de la part d’une société d’aussi grande importance. Le passé récent de Couche-Tard nous apparaissait jusque-là caractérisé par un progrès manifeste. Le recul est ici spectaculaire, surtout quand on tient aussi compte de ce que l’assemblée a été fermée avant les présentations la direction et avant la période de questions. Tout donne l’impression de ce que Couche-Tard est en train de nous faire la job en nous coupant le sifflet sur le plancher, jetant ainsi dans la mare le pavé d’un précédent sur lequel appuyer sa prétention juridique à satisfaire son désir coupable et grossier de nous faire taire, désir inavouable ici révélé au grand jour. Couac.
L’obligation pour les entreprises de tenir une assemblée de ses actionnaires existe depuis plusieurs centaines d’années déjà, partout en Occident. Le droit de parole à ces assemblées est sacré. Nous y croyons fermement. Nous ne sommes pas seuls. Nous sommes actionnaires. Cette insulte est intolérable et fera l’objet des protestations formelles les plus vives, par la bouche de nos canons.