Appuyer la « garde montante » certes, mais pas n’importe quand ni n’importe comment
1er février 2019
Dominique Lemoine
Il est important pour le Québec que l’État et ses leviers de développement économique prennent des participations minoritaires dans des entreprises de la « garde montante » d’ici, mais pas les plus gros risques dans des « entreprises faibles », écrivait Jacques Parizeau.
Dans La Souveraineté du Québec : hier, aujourd’hui et demain (2009), l’ancien premier ministre rappelait que la Révolution tranquille a été une prise de conscience, consensuelle entre les partis politiques de l’époque, du pouvoir de l’État en tant que levier de développement entrepreneurial, économique et industriel, par « correction » collective des fonctionnements des marchés qui nuisent au développement du Québec, donc en tant que créateur d’emploi et moteur d’innovation ici, en plus de procurer des rendements aux épargnants d’ici.
La fin de ce consensus québécois se serait concrétisée en 2004, dans un contexte de « propagation des idées néolibérales » et d’objections à la capacité de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) d’acquérir des actions d’entreprises et l’influence qui vient avec, quand le gouvernement du Québec a lui-même permis à la CDPQ de plutôt « s’engager dans les transactions les plus nouvelles et les plus exotiques », ainsi que « dans des opérations financières excitantes », ouvrant ainsi la porte à plus d’opérations spéculatives et à moins de placements de type « bon père de famille » par la CDPQ.
Mais aujourd’hui comme hier, selon Parizeau, « la Caisse n’a pas à jouer les entrepreneurs québécois. Elle doit les appuyer, les financer, les laisser tomber s’il le faut, participer à des opérations de fusion ou d’acquisition », et ce, sans « se désintéresser du rendement des placements », mais sans non plus « chercher à l’atteindre en prenant des risques financiers énormes », tels que les plus gros risques dans des « entreprises faibles ».
Selon le Journal de Montréal (JdM), la CDPQ (deuxième actionnaire de Taxelco) a fourni 15 millions de dollars à Taxelco, premier actionnaire de Téo Taxi, Investissement Québec 8 millions de dollars et le gouvernement du Québec 7,5 millions de dollars en subventions, pour un total public de 30,5 millions de dollars, sans compter les 12 millions de dollars du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (troisième actionnaire de Taxelco).
Le JdM avance qu’un total de 50 à 60 millions de dollars a été investi depuis 2015 (année de lancement de Téo Taxi) dans Taxelco par des institutions publiques et quasi publiques en capital-actions, subventions et prêts.
En comparaison, 30 millions de dollars auraient été injectés par des investisseurs privés dans le fonds XPND Croissance (qui est le premier actionnaire de Taxelco, qui ne fait pas faillite, qui conserve via Taxelco ses actifs dans Taxi Diamond et Taxi Hochelaga, et dont l’État n’a pas obtenu d’actions en échange de sa participation financière risquée dans le projet en faillite Téo Taxi), dont moins de 4 millions de dollars par Alexandre Taillefer et 5 millions de dollars par Claridge. Quinze millions sur trente auraient été injectés dans Téo Taxi.
Selon le Registraire des entreprises du Québec, Investissement Québec, CDP Investissements (CDPQ) et Fonds de Solidarité FTQ n’ont qu'un statut de « commanditaire » dans le Fonds XPND Croissance.
En 2011, dans une entrevue accordée au quotidien Le Devoir, Parizeau proposait la création d’une société « qui échangerait tout ce que le gouvernement ou ses sociétés d’État dépensent pour les entreprises contre des participations à l’actionnariat de ces entreprises, quelle que soit leur taille », de manière à ce que « les entreprises comprennent que, lorsqu’elles demandent quelque chose, elles vont se retrouver à augmenter la participation de l’État » dans leur fonctionnement.
« Les participations minoritaires permettent de comprendre ce qui se passe et parfois d’influencer les décisions », résumait-il aussi dans son livre.
Selon ce scénario, les investisseurs privés du fonds XPND auraient dû investir davantage eux-mêmes, voire solliciter moins d’aide financière publique, sous peine de se retrouver deuxième actionnaire de Taxelco derrière le regroupement des leviers de développement économique de l’État en tant que premier actionnaire.
Autrement dit, dans la situation actuelle, sur la base de la quantité actuelle d’aide publique impliquée, Taxelco pourrait en théorie être une entreprise déjà nationalisée ou être très près de l’être.
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