Bill Ackman saute d’un autre train en marche

12 août 2016
Dominique Lemoine

Des gains estimés à 2,6 milliards de dollars américains réalisés par l’activiste Bill Ackman avec son placement dans la société Canadien Pacifique (CP) auraient coûté la suppression d’entre 6000 et 7000 emplois au CP, selon des sources citées par Yvan Allaire et François Dauphin dans un texte publié dans Le Devoir.

Dans ce texte intitulé « L’activisme est-il un sport payant? », Yvan Allaire, président exécutif du conseil de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), et François Dauphin, directeur de recherche, soulignent que ce milliardaire des États-Unis à la tête du fonds de couverture activiste Pershing Square aurait « liquidé ce qui restait de ses actions du CP ».

ABC de l’activiste profiteur

Les auteurs du texte laissent entendre avec raison que Bill Ackman n’a pas bâti le CP, mais que l’ensemble des placements de type « tractations financières » de Pershing Square ont tout de même permis à ses 18 dirigeants de se partager 515 millions de dollars américains en 2015, soit en moyenne 28,6 millions chacun.

En 2011, Ackman avait amorcé une course aux procurations qui visait à remplacer le président-directeur général et plusieurs membres du conseil d’administration du CP, même si les problèmes de performance sectorielle inférieure du CP étaient liés à des facteurs externes comme la géographie de son réseau ferroviaire.

Effets positifs collatéraux

Allaire et Dauphin relèvent que la décapitation et le remplacement de la direction et de l’administration du CP en 2012 par des candidats mis de l’avant par Pershing Square ont permis de faire passer le ratio d’exploitation (dépenses d’exploitation par rapport aux revenus) du CP de 81 % à 61 %, ainsi que de réduire l’écart à ce niveau avec le Canadien National (CN).

Cependant, selon Allaire et Dauphin, cette amélioration mesurée par la performance financière (au moins jusqu’à présent) et qui est utilisée pour justifier l’oeuvre des activistes « comportait des conditions uniques qui ne peuvent se répéter aisément ». En guise de comparaison, ils rappellent les échecs des interventions d’Ackman chez JC Penney, Target, Borders, Valeant et Herbalife.

Dommages profonds

L’héritage de Bill Ackman au Canada pourrait être d’inciter des directions de sociétés ouvertes du Canada insécures par rapport à la menace d’assauts activistes à prendre des décisions à court terme favorables aux rendements trimestriels et à la valeur de l’action à court terme pour éviter d’apparaître sur le radar des activistes et pour contrer les pressions exercées.

Bref, « ce type d’opération, destructrice d’emplois mais créatrice d’immenses richesses pour les fonds de couverture et autres investisseurs accréditent la thèse d’un système inique qui doit être changé », concluent Allaire et Dauphin.

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