Qui paie votre conseiller financier?

En comprenant la rémunération de votre représentant, vous saurez s’il travaille dans votre intérêt… ou le sien.

Lundi 1 février 2016
Marc-André Sabourin
, L’Actualité, no. Vol. 41 n° 2

Un des plaisirs de Jean Dupriez, planificateur financier depuis 30 ans, c’est de se faire demander combien il gagne. Question à laquelle il répond sans gêne, en long et en large. Mais il n’en a pas souvent l’occasion : « Moins d’une personne sur 50 ose aborder le sujet », dit l’auteur du livre Savoir choisir son conseiller financier (Édival, 2010).

La quasi-totalité des ouvrages sur la planification financière ainsi que l’Autorité des marchés financiers (AMF) encouragent à poser la question : « Comment êtes-vous rémunéré? » Et pour cause. « La réponse aide à déterminer si le conseiller travaille pour vous ou pour lui-même », explique Jean Dupriez.

Plus encore, cette information permet de comprendre ce que vous payez, directement ou indirectement, à votre conseiller. Des sommes parfois déduites de vos placements qui, à long terme, peuvent en réduire le rendement de dizaines de milliers de dollars.

Tout le monde doit gagner sa vie, et les conseillers financiers ne font pas exception. Le type de rémunération varie toutefois d’un expert à l’autre, et d’un produit à l’autre. D’où l’importance de prendre le temps de comprendre les nuances.

Certains conseillers sont salariés. Ceux qui travaillent pour une grande institution financière, notamment. Leur rémunération annuelle est habituellement augmentée par des primes de vente versées par leur employeur. On ne s’en étonnera pas, ces salariés proposent uniquement les produits de ce dernier. Tant pis si des titres aux rendements supérieurs ou assortis de frais moins élevés existent ailleurs sur le marché.

Un conseiller salarié convient généralement aux besoins des petits épargnants, estime Jean Dupriez. « À cette étape, l’important est surtout de mettre de l’argent de côté. » Une fois que vos économies dépassent 30 000 dollars, mieux vaut, à son avis, traiter avec un professionnel en dehors des banques.

La grande majorité de ceux-ci sont payés à la commission. « Pour bien des gens, commission égale conflit d’intérêts », dit Robert Frances, PDG du Groupe financier Peak, une société de courtage indépendante. Dans les faits, l’équation n’est pas si simple!

Dans le cas des fonds communs de placement, le conseiller reçoit généralement deux commissions, qu’il partage avec la société à laquelle il est rattaché. Les pourcentages varient selon le type de fonds (actions ou obligations) et de frais - c’est-à-dire payables soit à l’entrée (à l’achat, dans le jargon) ou à la sortie (au rachat).

Lorsque vous achetez des fonds avec frais de sortie, le conseiller reçoit une commission allant jusqu’à 5 % de l’investissement, que lui verse le gestionnaire du fonds (l’entreprise qui administre le placement). À cela s’ajoute une commission de suivi annuelle, également versée par le gestionnaire du fonds, d’un maximum de 0,5 % de la valeur de l’actif, et ce, tant que l’investissement est conservé.

À court terme, cette formule est intéressante pour le conseiller… mais moins pour le client. Car si celui-ci retire ses billes avant un nombre d’années déterminé - généralement six ou sept ans -, il paie une pénalité importante sur la somme retirée. « En moyenne, elle est de 6 % et diminue graduellement dans le temps », explique Jean Dupriez.

Dans le cas des fonds avec frais d’entrée, le client paie lui-même, au moment de la transaction, une commission de 0 % à 5 %. Qui choisit le taux? Le courtier! « La plupart facturent 0 % », dit Léon Lemoine, planificateur financier à Gestion Ethik. N’hésitez donc pas à négocier… ou à aller voir ailleurs.

Avec ce produit, le client n’est pas captif. Le conseiller y trouve également son compte, puisque la commission de suivi annuelle, versée par le gestionnaire du fonds, est plus élevée et peut atteindre 1 % de la valeur de l’actif.

Un conseiller qui propose des fonds avec frais d’entrée de 0 % est manifestement là pour le long terme. Avec cette formule, les intérêts de tout le monde se rencontrent, dit Jacques Lépine, directeur général de Placements Manuvie au Québec : « Si le client obtient de bons conseils, la valeur de son portefeuille augmentera, tout comme la rémunération du conseiller. »

Tous les fonds communs de placement sont offerts avec ces deux structures de frais (et parfois même une troisième, mixte). Alors n’hésitez pas à insister pour avoir la formule avec frais d’entrée à 0 %.

Peu importe ce que vous choisirez, sachez que tous les fonds sont assortis de frais de gestion (de 1 % à 2 %), que le gestionnaire du fonds déduit du rendement annuel. Depuis juillet 2014, le conseiller est légalement tenu d’informer son client des frais de gestion.

Pour ceux que le concept même de commission horripile, il existe des conseillers rémunérés au moyen d’honoraires. Ils prélèvent un pourcentage annuel - généralement en deçà de 1,75 % - des actifs sous leur gestion, peu importe que leur valeur monte ou baisse. Il ne s’agit pas d’une commission, puisque l’argent vient de vos poches plutôt que des coffres de l’entreprise qui offre le produit. Plus la valeur de votre portefeuille est élevée, plus votre pouvoir de négociation est grand. Mais votre actif doit être d’au moins 100 000 dollars.

Encadré(s) :

POUR SAVOIR À QUI ON A AFFAIRE

Pour s’assurer qu’un conseiller a le droit de vendre les placements qu’il offre : le Registre des entreprises et individus autorisés à exercer, dans le site Web de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Pour savoir comment vérifier ses antécédents disciplinaires : le site de la Chambre de la sécurité financière. Impossible cependant de s’assurer qu’un conseiller qui se dit indépendant l’est réellement. « Le terme n’est pas réglementé, explique Robert Frances, PDG du Groupe financier Peak. N’importe qui peut le mettre sur sa carte. »

À COMPTER DE JUILLET 2016

Les relevés de placements devront indiquer clairement les frais payés au cours de l’année, ainsi que le rendement, que vous pourrez comparer avec un indice de référence. Vous saurez alors si votre conseiller vous en donne pour votre argent.

Source ››› L’Actualité

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