La langue anglaise, partout

2012-03-20
Club St-James, Montréal

Le 20 mars 2012, M. Fernand Daoust, président du MÉDAC, interpelle M. Louis Morisset, surintendant aux marchés des valeurs à l’Autorité des marchés financiers (AMF), sur ses intentions de permettre la mise sur pied d’un mécanisme semblable au passeport européen en valeurs mobilières qui permettrait l’accès au marché québécois en réduisant les exigences de traduction en langue française des documents financiers.

Transcription de la réponse de M. Louis Morisset, surintendant aux marchés de valeurs de l’AMF :

Fernand Daoust — Je représente le MÉDAC, Mouvement d’éducation et défense des actionnaires. Vous connaissez le MÉDAC. Quand on parle du MÉDAC, on pense à Michaud. On devrait penser aussi à M. Béland qui en a été le président et moi je suis membre du conseil d’administration et devenu président, mais écoutez, ça n’a pas beaucoup d’importance dans mon intervention, suite au départ de M. Béland. Peu importe. Je ne viens pas vous parler du MÉDAC. Je viens vous parler d’un article qui nous a secoués, qui a été écrit il y a exactement 3 mois par M. Vailles dans La Presse où il est question de[s] documents financiers en anglais seulement. Je ne doute pas que vous ayez lu cet article. Sinon, vous pouvez le lire parce que il est facilement atteignable par les moyens que vous connaissez. Notre inquiétude à nous au MÉDAC elle est partagée par bien des gens. Voici que des documents, préparés par les émetteurs, prospectus et le reste, ne seraient pas traduits en français, mais on pourrait peut-être, éventuellement, faire des résumés de convenance, pour les Québécois ou les francophones du Canada qui voudraient se renseigner un peu mieux. Je vous lirai pas l’article de M. Vailles, mais apparemment… Il est peut-être pas ici. Peu importe s’il est ici. Moi je lui lève mon chapeau. C’est un véritable journaliste d’enquête. Il a parlé à bien des gens de l’Autorité là. C’est pas des ragots ou des impressions. Il a parlé à bien des gens de l’Autorité puis à l’Autorité, on travaille très sérieusement là-dessus. Et j’aimerais être quelque peu dans les secrets de l’Autorité et de connaître le point de vue de l’Autorité. Des documents comme un prospectus, je comprends que c’est volumineux. On nous dit que ça peut coûter 30, 35 mille dollars pour faire traduire de tels documents. Mais quand on fait des émissions, ou du moins qu’on fait des travaux… Et là je ferai pas de discours, je suis déjà trop long. Je veux plutôt entendre la réponse de quelqu’un qui est très compétent, très estimé, à l’égard de cette position-là. Je vous parlerai pas de la Charte de la langue française. Je vous parlerai pas qu’on vous a appuyés avec toute la fermeté qui s’imposait en allant devant la Cour suprême, en souhaitant qu’il y ait une Autorité au Québec qui demeure et qu’il y en ait pas une seule au Canada. Je voudrais pas qu’on regrette le geste qu’on a posé, sachant fort bien que là, eux, il y aurait des traductions, parce que c’est un peu leur spécialité. Mais peu importe là. Mais, donc… (Animateur) — Je regrette. Est-ce que vous pouvez juste y arriver? Parce que… Une question… — Oui oui oui. Ok, alors, vous voyez ma question? Qu’arrive-t-il de tout ça et quel est le point de vue de l’Autorité à l’égard des traductions? — M. Morisset — Je m’excuse d’avoir parlé un peu longtemps. — Non. C’est parfait. C’est excellent. C’est une mise en situation qui est complète.

Louis Morissette — Peut-être, d’entrée de jeu, je vais vous rassurer. Il n’y a pas de projet tangible à l’Autorité où nous envisagerions altérer, de quelque manière que ce soit, les exigences linguistiques là que comporte la Loi sur les valeurs mobilières. [Alors], soyez rassuré. Maintenant, je vais vous donner les faits, parce que, il y a un certain fondement à cet article-là puis à ce propos-là. C’est que, la Loi sur les valeurs mobilières exige que pour placer des valeurs mobilières au Québec il faut un prospectus en français. Et ce que l’on a constaté et ce que l’on constate tous les jours, à l’Autorité des marchés financiers, malheureusement, c’est qu’aujourd’hui, plus de 50 % des émetteurs canadiens ne placent plus au Québec. Et c’est une réalité. Et c’est très malheureux. Parce que, on se prive tous d’opportunités d’investissement au quotidien. L’entreprise prolifique dans le domaine du pétrole et gaz à Calgary ne vient plus à Montréal, ne vient plus placer au Québec, place dans les 12 autres territoires sauf au Québec. Alors, nous au cours des dernières années on a accumulé un certain nombre de statistiques, de faits, et certains trimestres, on réalise que c’est 60 % des prospectus qui ne sont pas venus au Québec. Alors ça, c’est le contexte qui nous a amenés à réfléchir à la question. L’idée que vous avez évoquée est une idée qui existe. Elle existe en Europe. En Europe, on est capables, dans le système de passeport européen, de placer [euh…] une entreprise allemande peut placer en France avec un prospectus en anglais, mais avec un résumé en français. L’idée c’est d’offrir une opportunité d’investissement. Évidemment, je conçois avec vous que le contexte de la langue en Europe est bien différent de celui au Québec. Mais la réalité, c’est que cette tangente-là ou cette tendance-là va s’empirer. Les coûts associés à la traduction ont décuplé au cours des dernières années. La traduction — si vous vous informez auprès des cabinets de comptables, des cabinets d’avocats — la traduction n’est plus un service, c’est un centre de profit. Et donc, le prospectus qui coûtait 10 000 piastres à traduire il y a 10 ans en coûte 50 ou 60 aujourd’hui. Et ça devient mathématique : si ça coûte trop cher de placer au Québec, on ne place plus au Québec. Mais… longue réponse, mais rassurez-vous, on est… on comprend le contexte politique. Mais la réalité, c’est qu’un jour va falloir que quelqu’un s’y intéresse, au-delà de l’Autorité, à ce phénomène-là, des entreprises qui ne viennent plus au Québec. [Euh…] on a… notre bassin d’entreprises québécoises publiques est en train de… s’étiole constamment. On regarde actuellement… on traite 2 offres publiques [d’achat]… on a traité, au cours des derniers mois, 2 offres publiques d’achat : Résolu, Fibrec. [Euh…] Cominar, Canmarc. Ça, c’est 2 autres sièges sociaux d’entreprises publiques qu’on va perdre. (Animateur) — Et vous allez en perdre un prochainement avec Astral. — Exact. — Si ça se confirme. — Exact. C’est… c’est… alors c’est la réalité. Notre lot d’entreprises publiques diminue. Il y a peu d’entreprises publiques qui ont émergé, qui sont devenues des succès au cours des dernières années. Le seul auquel je peux penser c’est Dollorama, il y a plus de 3 ans maintenant. [Euh…] et la réalité c’est que les entreprises ailleurs au Canada ne viennent plus au Québec. Alors, c’est le contexte, malheureusement.

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