Photo : Yan Gouger (CC BY-SA 3.0)

Salaires : retour de la controverse à l’assemblée de Bombardier?

8 mai 2017
Julien Arsenault, La Presse canadienne

Montréal — La rémunération des patrons de Bombardier, à l’origine d’une vive controverse il y a un peu plus d’un mois, pourrait revenir au coeur des discussions cette semaine dans le cadre de l’assemblée annuelle de la multinationale, jeudi.

Après les installations de Mirabel l’an dernier, c’est au centre montréalais de finition des avions d’affaires Global, à Dorval, que le constructeur d’avions et de trains rencontrera ses actionnaires.

Déjà, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), par l’entremise de son président, Daniel Thouin, compte interpeller la haute direction du constructeur d’avions et de trains sur la question de la rémunération.

« Le sujet est plus sensible qu’à l’habitude, a expliqué son coordonnateur, Willie Gagnon, au cours d’un entretien téléphonique. Comme l’an dernier, nous allons voter contre l’approche de la société en matière de rémunération. »

En raison de la pression populaire, Bombardier a repoussé jusqu’en 2020 plus de la moitié de la rémunération de ses six plus hauts dirigeants pour l’année 2016. Initialement, la rémunération globale de ceux-ci devait totaliser 32,6 millions de dollars, ce qui représentait une augmentation de 50 pour cent sur un an.

Sans dévoiler de données précises, M. Gagnon affirme que cette controverse a fait en sorte que le MÉDAC a reçu « deux fois plus de procurations d’actionnaires » qu’à l’habitude.

L’an dernier, la résolution consultative non contraignante sur l’approche de l’entreprise en matière de rémunération des membres de la haute direction avait été appuyée dans une proportion de 96,06 % par les actionnaires.

« On souhaite qu’il y ait un plus fort taux d’opposition, a expliqué M. Gagnon. On ne comprend pas pourquoi il n’y en a pas eu avant. Cette politique avait reçu le feu vert l’an dernier. C’est ce qui est à l’origine du scandale. »

Même si l’opposition devait être plus forte qu’à l’habitude, il sera toutefois difficile, voire impossible, de faire plier la famille Beaudoin-Bombardier sur l’aspect de la rémunération de ses patrons, puisque les actions à droit de vote multiple lui permettent de contrôler 53,23 pour cent des droits de vote.

En 2016, la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui détient 41,6 millions d’actions de catégorie B de l’entreprise, avait voté en faveur de la politique de rémunération. L’institution n’a pas encore dévoilé sa position pour cette année.

N’empêche, la politique de rémunération de Bombardier ne semble pas faire l’unanimité. Si la firme de conseils aux actionnaires Glass Lewis recommande à ses clients de s’opposer à l’approche de l’entreprise, la firme Institutional Shareholder Services (ISS) adopte une position contraire.

Dans ses reproches, Glass Lewis affirme entre autres que l’entreprise ne décrit pas clairement les objectifs à atteindre à court et long terme pour ses hauts dirigeants.

Pour sa part, ISS, même si elle estime que les augmentations de salaires sont importantes, concède que la performance de Bombardier s’est améliorée à plusieurs chapitres, ce qui incite la firme à recommander à ses clients de voter pour la politique de rémunération.

Par ailleurs, il n’y a pas que les actionnaires qui risquent de vouloir ramener la question des salaires au coeur des discussions.

Trois organisations syndicales ainsi que Québec solidaire planifient un « comité d’accueil » pour les actionnaires de Bombardier à Dorval avant le début de l’assemblée annuelle.

« Il y avait eu des manifestations citoyennes pour dénoncer les hausses de salaires chez Bombardier et c’est dans ce contexte que nous voulons emboîter le pas », a expliqué la présidente du Conseil central du Montréal métropolitain — une des organisations syndicales impliquées — Dominique Daigneault.

Celle-ci affirme que la démarche vise à inciter les actionnaires de la compagnie à questionner de nouveau les dirigeants sur la politique de rémunération.

Bombardier profitera également de son assemblée annuelle pour dévoiler ses résultats du premier trimestre. Les analystes sondés par Thomson Reuters s’attendent à une perte ajustée par action d’un cent US et sur des revenus de 3,84 milliards de dollars US.

La CDQP a voté contre la politique de rémunération

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a décidé de voter contre la politique de rémunération des membres de la haute direction de Bombardier en plus de s’abstenir de voter pour la réélection du président du conseil, Pierre Beaudoin.

L’institution a fait part de sa décision lundi, à trois jours de l’assemblée annuelle du constructeur d’avions et de trains, qui se tiendra à son centre montréalais de finition des avions d’affaires Global, à Dorval.

En raison de la pression populaire, Bombardier a déjà repoussé jusqu’en 2020 plus de la moitié de la rémunération de ses six plus hauts dirigeants pour l’année 2016. Initialement, la rémunération globale de ceux-ci devait totaliser 32,6 millions $, ce qui représentait une augmentation de 50 pour cent sur un an.

Dans une lettre, la Caisse prend soin de renouveler sa confiance à l’endroit du président et chef de la direction, Alain Bellemare.

Elle ajoute toutefois qu’à son avis, « les décisions récentes du conseil d’administration sur la rémunération des hauts dirigeants de la société ne sont pas à la hauteur des normes de gouvernance et de responsabilité envers les parties prenantes ».

Selon la CDPQ, le « rehaussement des normes de gouvernance de Bombardier va au-delà des enjeux immédiats de rémunération ».

D’autres dossiers qui pourraient être soulevés lors du rendez-vous annuel de Bombardier :

La plainte de Boeing

Le géant américain s’est tourné vers le département du Commerce et la Commission du commerce international des États-Unis (ITC) pour demander une enquête sur une campagne jugée « agressive » par Bombardier pour « vendre ses appareils de la CSeries sur le marché américain à des prix dérisoires ». La direction de Bombardier pourrait avoir à répondre aux allégations avancées par Boeing.

La CSeries

Bombardier a livré trois avions CSeries à ses clients depuis le début de l’année alors que sa cible pour 2017 oscille entre 30 et 35 avions. Des problèmes de cadence chez le motoriste Pratt & Whitney pèsent sur les efforts de l’avionneur montréalais au chapitre des livraisons.

Fusion en Europe?

Bombardier et l’Allemande Siemens AG discuteraient d’un regroupement de leurs divisions de matériel roulant dans le cadre d’une transaction qui pourrait atteindre 14 milliards $. L’entreprise québécoise n’a pas commenté directement ce dossier jusqu’ici.

Sources :

L’Actualité ›››

Le Devoir›››

La Presse ›››

MSN Finances, fr-ca ›››

The Gazette ›››

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