La rémunération des dirigeants bondit de 48 %

30 mars 2017
Martin VallièresLa Presse

La rémunération totale des six plus hauts dirigeants de Bombardier a bondi de 48 % à 32,4 millions US pour l’exercice 2016, soit l’équivalent de 42,9 millions en dollars canadiens selon le taux de change utilisé dans les documents de l’entreprise.

De cette rémunération totale, au moins 24,4 millions US (ou 32,3 millions CA) constituent les primes et bonis consentis à ces hauts dirigeants, dont quatre étaient à leur première année en poste, en surplus de leur salaire de base.

À lui seul, le président et chef de la direction, Alain Bellemare, a obtenu 9,48 millions US (12,5 millions CAN) en rémunération totale pour sa deuxième année à ce poste. Ce montant est en hausse de 47 % sur un an, propulsé surtout par le bond de 54 % de ses bonis et primes à 7,6 millions US (10 millions CAN).

Quant à son prédécesseur, Pierre Beaudoin, maintenant président exécutif du conseil d’administration, il a encore bénéficié en 2016 de l’une des rémunérations les plus élevées parmi la haute direction de Bombardier.

M. Beaudoin a obtenu au total 5,2 millions US (6,8 millions CAN), une hausse de 36 % par rapport à l’exercice précédent. Les trois quarts de cette rémunération, soit 4,03 millions US (5,3 millions CAN), lui ont été consentis en bonis et primes à la performance, soit 1 million US de plus qu’en 2015.

Ces montants sont extraits de la circulaire de direction que Bombardier vient de publier pour ces actionnaires, en prévision de leur assemblée annuelle qui aura lieu le 11 mai prochain, au centre de finition de jets d’affaires de l’avionneur à Dorval.

Critiques

Sitôt divulguée hier, la rémunération des hauts dirigeants de Bombardier en 2016 a suscité maintes critiques de la part d’observateurs aguerris en direction d’entreprise.

Pour Michel Nadeau, directeur général de l’Institut de gouvernance des organisations privées et publiques, et un ex-vice-président des investissements boursiers à la Caisse de dépôt et placement, une telle hausse de rémunération envoie une « très mauvais message » sur Bombardier alors que son plan de redressement reste à confirmer.

« Compte tenu de l’état de l’entreprise, et du fait que les contribuables sont désormais aussi actionnaires de Bombardier après les milliards investis par Québec et la Caisse de dépôt, ses hauts dirigeants devraient faire preuve d’un peu plus de retenue avant de se payer la traite avec de telles rémunérations. »

— Michel Nadeau, directeur général de l’Institut de gouvernance des organisations privées et publiques

Pour Daniel Thouin, président du MEDAC, un regroupement d’actionnaires et intervenants d’expérience lors des assemblées annuelles, la hausse de rémunération des hauts dirigeants de Bombardier « dépasse tout entendement ».

« Quelle sera la réaction des employés de Bombardier? Comment seront-ils plus motivés à améliorer les processus de production et en réduire les coûts quand ils voient leurs patrons toucher des bonis et des primes de rendement qui sont tout à fait injustifiables? », a demandé M. Thouin.

« Et que dire des investisseurs dont les actions demeurent jusqu’à 40 % sous leur valeur d’émission, après plus de quatre ans? C’est de mauvais présage pour l’avenir de cette entreprise qui a tant reçu de nos gouvernements et qui bénéficiait de l’appui de la société en général », a-t-il ajouté.

Bombardier répond

Chez Bombardier, on soutenait hier que la rémunération des hauts dirigeants « peut être difficilement comparée » entre les années 2016 et 2015, en raison des nombreux changements survenus à ces fonctions durant cette période.

« Ces six personnes occupaient toutes des postes différents au début de 2015. D’ailleurs, quatre d’entre elles n’étaient pas à l’emploi de Bombardier au 1er janvier 2015. Il serait important de faire cette nuance dans votre article », a indiqué Simon Letendre, conseiller principal aux relations publiques chez Bombardier.

N’empêche, durant l’exercice 2016, Bombardier a encore subi une baisse de ses revenus, de 10 % à 16,3 milliards US, pour une deuxième année consécutive. Elle a aussi déclenché l’élimination de 7500 postes, soit plus de 10 % de son effectif total d’ici la fin 2018.

En contrepartie, Bombardier a réduit sa perte nette à 981 millions US en 2016. C’est cinq fois moins que l’énorme perte de 5,3 milliards US comptabilisée en 2015, en conséquence d’une importante radiation d’actifs et des surcoûts de développement pour les avions C Series.

C’est aussi en début d’exercice 2016, alors qu’elle frôlait la crise financière, que Bombardier a obtenu deux injections considérables de fonds publics relevant du gouvernement du Québec.

D’une part, la société d’État Investissement Québec a investi 1 milliard US (env. 1,35 milliard CAN) pour acquérir 49,5 % d’une nouvelle société regroupant les activités de la C Series.

D’autre part, la Caisse de dépôt et placement, qui gère l’actif des régimes de retraite du secteur public, a versé 1,5 milliard US (env. 1,98 milliard CAN) à Bombardier pour l’achat d’une participation de 30 % de sa filiale ferroviaire Bombardier Transport.

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