L’approche québécoise est positive, selon des experts

22 février 2017
François Desjardins, Le Devoir

Pour le moment, le Québec arrive peut-être au bout des mesures qu’il peut mettre en place pour renforcer la protection des sièges sociaux dans la mesure où certains moyens plus costauds nécessiteraient une volonté pancanadienne.

Cela dit, a estimé l’expert en gouvernance Yvan Allaire, de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), l’analyse de Québec est bonne et met l’accent sur « le dynamisme » des entreprises québécoises et « leur capacité à se régénérer pour qu’il y ait un roulement positif ».

Dans un rapport publié en septembre 2016, M. Allaire et François Dauphin ont ciblé 45 sociétés par actions générant un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard et conclu que 16 d’entre elles sont exposées au risque d’une offre hostile, soit « Metro, Gildan, SNC-Lavalin, WSP Global, Dollarama, Valeant, TransForce, Produits forestiers Résolu, CAE, Groupe Canam, Tembec, Aimia, UniSélect, Amaya, Stella-Jones et Colabor ».

Des pouvoirs aux conseils

Dans les enjeux que les coauteurs ont soulevés dans le rapport, cité dans le plan du gouvernement Couillard publié mardi, figure notamment l’octroi de pouvoirs pour que les conseils d’administration puissent se défendre plus efficacement contre une offre non sollicitée. Même si plus d’une trentaine d’États américains ont adopté une mesure du genre, la réglementation canadienne évacue encore cette possibilité malgré les efforts, notamment au Québec.

« Les autorités canadiennes ne veulent pas changer leur réglementation et l’ajuster sur ce que font les États américains. »

— Yvan Allaire

« On ne règle pas le caractère émotif, politique et social des prises de contrôle hostiles, aussi rares fussent-elles », a dit M. Allaire lors d’un entretien. « Pensons à RONA phase 1 [l’approche hostile de Lowe’s en 2012] et phase 2 [la transaction amicale de 2016]. La phase 1 a causé tout un émoi, et rien dans le document présenté ne règle ça, parce que les autorités canadiennes ne veulent pas changer leur réglementation et l’ajuster sur ce que font les États américains. J’admets que c’est rare, mais si demain Metro ou SNC-Lavalin faisaient l’objet d’une offre hostile, on aurait encore un cirque politique et social assez similaire à RONA phase 1. »

Si le plan de Québec aborde des enjeux liés au transfert d’entreprises à l’intérieur d’une même famille, M. Allaire s’interroge à savoir pourquoi il n’explore pas par ailleurs la possibilité d’un mécanisme visant à vendre les actions aux employés. Cette voie pourrait reposer sur la création d’une fiducie et donnerait aux employés un mot à dire dans l’élection de certains membres du conseil de la fiducie.

Actions à droits de vote multiples

De son côté, Claude Séguin, de la firme CGI, estime qu’il est « difficile d’être contre » les mesures mises de l’avant par Québec. Il souligne par ailleurs un aspect crucial de la réalité de plusieurs entreprises québécoises, les actions à droits de vote multiples, tenues pour maudites à Bay Street. Celles-ci permettent à une famille fondatrice, par exemple, de maintenir le contrôle d’une société même si elle possède un moins grand nombre d’actions que celles circulant dans le grand public.

« Si ça n’existait pas, il y a des sociétés québécoises qui seraient parties depuis longtemps. Le marché financier, c’est gros, et le Canada et le Québec, c’est petit », a dit M. Séguin, qui a présidé en 2013-2014 le Groupe de travail sur la protection des entreprises québécoises, à la demande du ministre des Finances, Nicolas Marceau. « Le fait d’avoir une certaine dose de protection, ce n’est pas mauvais. Après ça, les entreprises font ce qu’elles ont à faire. »

Parmi ses suggestions, le Groupe de travail avait notamment évoqué l’idée d’un droit de vote variable en fonction de la durée de détention. Cette idée rejoint les doléances de certains grands investisseurs institutionnels qui déplorent les comportements intempestifs des « actionnaires touristes »,intéressés davantage par la quête du profit à court terme que par les perspectives à long terme.

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