Trudeau protège les banques


Si le projet C-29 du gouvernement Trudeau qui modifie la Loi sur les banques est adopté sans modifications, les banques seront exclues de l’application de la Loi sur la protection du consommateur.

LA PRESSE CANADIENNE, CHRIS YOUNG

5 décembre 2016
Brigitte Breton, Le Soleil

(Québec) ÉDITORIAL / Le gouvernement de Justin Trudeau a fait son choix. Il préfère protéger les banques plutôt que les consommateurs. Son projet de loi C-29 est un non-sens car il vient affaiblir la Loi québécoise sur la protection du consommateur, une loi pourtant fort précieuse pour la classe moyenne dont les libéraux prétendent défendre les intérêts.

Dans ce dossier, tout est détestable dans la façon de faire du gouvernement Trudeau.

Comme au temps du gouvernement conservateur de Stephen Harper à Ottawa, l’équipe libérale s’est servie d’un projet de loi mammouth de plus de 200 pages pour en passer une petite vite aux provinces et à la population.

Ainsi, si le projet C-29 modifiant la Loi sur les banques est adopté sans modifications, les banques seront exclues de l’application de la Loi sur la protection du consommateur. Si le client d’une banque a une récrimination à formuler, il devra donc le faire à l’ombudsman de l’institution. Advienne que pourra si le client se plaint de frais cachés, trop élevés ou d’une modification unilatérale à un service. La banque peut disposer à sa guise des recommandations d’un ombudsman. Ce n’est pas le cas d’une décision de la cour. Ottawa l’épargnera.

En plus de faire perdre aux consommateurs des recours légaux impartiaux et exécutoires, le projet de loi va aussi à l’encontre d’une décision de la Cour suprême rendue en 2014 qui concluait que la loi provinciale s’appliquait même si les banques sont dans le giron fédéral.

Dans un litige opposant le milieu bancaire et des clients qui contestaient que des frais de change sur leurs cartes de crédit leur aient été facturés sans qu’on les prévienne durant leur séjour à l’étranger, l’arrêt Marcotte statue que les lois provinciales sur la protection du consommateur s’appliquent même si les banques sont de juridiction fédérale.

Sur ce point aussi, on reconnaît une façon de faire du gouvernement conservateur qui, devant une décision du plus haut tribunal du pays qui lui était défavorable - qu’on pense notamment à celle sur une commission unique des valeurs mobilières -, revenait à la charge avec une autre formule pour atteindre le même objectif.

On constate également dans ce dossier un désir d’Ottawa de s’imposer, d’écarter les provinces, alors que les lois provinciales et fédérales pourraient fort bien se compléter et cohabiter pour mieux protéger les simples citoyens plutôt que de riches institutions bancaires qui ne manquent pas de moyens pour se défendre. Le gouvernement Trudeau renforce Goliath au lieu de fournir des armes à David.

« Pourquoi le législateur fédéral tient-il à créer une nouvelle zone d’ombre en matière bancaire? » demande la Chambre des notaires du Québec, dans une lettre transmise lundi aux médias.

La Chambre n’est pas seule à s’opposer au projet d’Ottawa. Le Bloc québécois, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC) et des groupes de défense des consommateurs le contestent aussi. Unanimement, les députés de l’Assemblée nationale ont également réclamé son retrait la semaine dernière.

Déception, la motion a été formulée par l’opposition péquiste et non par les libéraux. Lorsqu’une loi québécoise est menacée, lorsque de surcroît elle vise les consommateurs, il devrait aller de soi que le gouvernement du Québec monte au front.

Le gouvernement Couillard manque parfois de réflexes lorsqu’il s’agit de défendre le terrain du Québec. Si, en matière de santé, il se montre inflexible lorsqu’Ottawa veut dicter où il injectera des fonds, en matière d’environnement, il a fallu que d’autres lui montrent la voie pour qu’il mette ses conditions et applique la législation québécoise. La situation se répète.

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