L’achat de la Bourse de Montréal par la Bourse de Toronto… aller au fond des choses

Conférence de M. Jacques Parizeau

2008-02-18
au Gesù—Centre de créativité

Monsieur le Président du MÉDAC, cher Fernand Daoust - vous en avez mis un peu trop, là. Une erreur : je n’ai jamais quitté le Parti Québécois; je démissionnais de mes fonctions, mais je restais dans le Parti. Pour une raison simple, d’ailleurs, c’est que je suis le seul à avoir eu une carte de membre à vie, du Parti Québécois. Ceux qui me l’ont offerte l’ont collée sur une planche de bois d’un pouce d’épais pour que je ne puisse pas la déchirer.

Mesdames et Messieurs, je veux parler ce soir d’un sujet qui en lui-même - la vente de la Bourse - n’est pas nécessairement un sujet d’importance cosmique. Je ne fais plus beaucoup d’interventions publiques, maintenant. En fait je n’en fais pas. Mais depuis quelque temps je commence à trouver que, à l’égard du système financier québécois, qui a été bâti au fur et à mesure des années, on commence des dérives qui peuvent être dangereuses. C’est pour ça que je me sens un peu forcé d’intervenir pendant quelques jours sur ce genre de sujet. Ne vous en faites pas, ça ne durera pas éternellement, je reviendrai à mon silence. Sans engagement dans l’avenir, bien sûr.

Je voudrais d’abord parler du système financier du Québec, dans son ensemble. Pour qu’on voie comment se situe cette crise, si on peut dire, de la Bourse, actuellement comment ça se situe là-dedans, quelle signification ça a. On va prendre un certain temps pour faire ça parce que, si la plupart des gens connaissent bien, ou ont entendu parler de chacun des morceaux du puzzle, c’est très rare qu’on fasse le puzzle, qu’on regarde de quoi ça a l’air une fois que le puzzle est terminé.

La caractéristique principale du système financier québécois, pendant très longtemps, c’est qu’il n’était pas achetable. Ou si vous voulez, pas vendable. Les décisions qui s’y prenaient s’y prenaient dans le cadre de la communauté québécoise dans le sens large du terme. On ne l’a jamais suffisamment souligné. Ça ne correspondait au départ pas à un plan, mais au fur et à mesure où les années passaient, oui bien sûr, on complétait les éléments du puzzle de façon à ce que ça représente, que ça ait une signification de ça.

On va commencer par les banques à charte. Par le système des banques à charte. C’est le plus important, le plus ancien, il relève comme on le sait de la juridiction fédérale. Il a une caractéristique : les banques dites à charte - je ne parle pas des banques étrangères, ici - les banques dites à charte, pendant des années, jusqu’à très récemment, ne pouvaient pas accepter d’actionnaire qui contrôle plus de dix pourcent des actions de la banque. En somme il était impossible pour une banque américaine d’acheter une banque canadienne. (inaudible) comme ça. Il était impossible pour une banque canadienne d’acheter une autre banque canadienne. (inaudible) fusionner. Ce n’était pas faisable. Au mieux, ou au pire, comme vous voudrez - ça dépend de quel côté on se situe - un actionnaire, une banque étrangère ou une banque canadienne pouvait acheter dans la Banque Nationale, par exemple, dix pourcent des actions. C’est tout. Ça a assuré une très grande stabilité dans le temps aux institutions financières. Ce dix pourcent, cette règle du dix pourcent, a essaimé. Par exemple, les bourses ont cette règle de dix pourcent. La Bourse de Montréal, un actionnaire à la Bourse de Montréal, ne peut pas avoir plus de dix pourcent des actions. Un actionnaire de la Bourse de Toronto non plus. Comme on va le voir, cette règle de dix pourcent, c’est graduellement passé comme une sorte de règle de sagesse; pour éviter une trop grande concentration du pouvoir, et pour éviter que les centres de décision majeurs dans une société à un moment donné fichent le camp, ou passent entre des mains dont on ne veut pas.

Le deuxième morceau du système financier québécois, il est coopératif. Là encore, on ne peut pas le vendre. On ne vend pas une coopérative. On connaît tous Desjardins. On ne se rend pas toujours compte de l’importance de Desjardins. Desjardins ramasse la moitié de tous les dépôts bancaires des particuliers au Québec. La moitié. Desjardins s’est prolongée dans d’autres directions : la fiducie, les assurances, etc. Les compagnies d’assurances canadiennes et québécoises ont été pendant longtemps aussi des coopératives, à cause essentiellement de dispositions fiscales qui les exemptaient si elles étaient des coopératives de payer de l’impôt. On oublie que la Sunlife, par exemple, a été une coopérative. À un moment donné ces avantages fiscaux ont été enlevés, si bien qu’elles sont toutes devenues des compagnies par actions. Exemple chez nous : l’Alliance Industrielle. L’Alliance Industrielle est composée de deux mutuelles qui vont fusionner, et lorsqu’elle se transformera en compagnie, son président, le président de cette compagnie, va à Québec, fait passer un projet de loi pour faire en sorte qu’un actionnaire ne puisse pas avoir plus de dix pourcent des actions de l’Industrielle Alliance. Toujours le même principe : éviter le contrôle des décisions (inaudible). Cette opération est faite par le président de la compagnie, qui s’appelle monsieur Richard (sic) Garneau, qui était le ministre des Finances au Québec, de monsieur Bourassa - Raymond Garneau, pardon – il connaissait, il savait exactement ce que je viens de vous dire, la signification du dix pourcent. Ça lui paraissait élémentaire que si ça cessait d’être une coopérative ça devenait achetable, et la seule façon d’éviter ça c’était la règle du dix pourcent.

Un autre bloc de sociétés financières est apparu chez les syndicats. D’abord et avant tout, pendant très longtemps, le Fonds de solidarité. Et maintenant, depuis moins longtemps, la CSN. Le Fonds de solidarité de la FTQ est quelque chose d’unique. Il faut bien comprendre : c’est la plus grande société de capital de risque au Canada, toutes catégories confondues. Ça non plus ce n’est pas achetable. Et là encore, les décisions qui s’y prennent s’y prennent à l’intérieur de la communauté québécoise. Il n’y a pas d’intérêt extérieur ou étranger qui va orienter le Fonds de solidarité.

Finalement, quatrième morceau : l’État. Ça, sauf le Crédit agricole, c’est relativement récent par rapport aux banques. Ça commence en fait dans les années soixante. La plus grosse de ces institutions - et de très loin, maintenant - c’est évidemment la Caisse de dépôt. La Caisse de dépôt, on dit que ça a 150 milliards d’actif - on parle de l’actif net. La Caisse de dépôt gère, aux chiffres de 2006 - on attend la fin de 2007, on attend les comptes de 2007, ça sera plus élevé - le 31 décembre 2006, la Caisse de dépôt gérait 254 milliards de dollars. C’est énorme. Pour une population de sept millions et demi d’habitants, c’est considérable. Il y a de petits pays qui ont des fonds pareils, mais ce sont de gros producteurs de pétrole. Mais un pays qui n’a pas de pétrole et qui a un fonds de cette taille pour une population comme la nôtre, c’est unique. Là ce n’est pas par rapport au Québec ou par rapport au Canada qu’il faut se comparer, c’est par rapport au reste du monde. Les plus gros fonds d’investissement qui existent à l’heure actuelle approchent de 1000 milliards. C’est du côté du Golfe persique, les États du Golfe persique, Dubaï, etc., qu’on commence à les voir apparaître. Il y en a un certain nombre qui s’approchent de cette ligne-là, ou c’est dans des hedge funds américains. À 254 milliards, nous sommes dans les ligues majeures. On joue dans la cour des grands. La vocation de la Caisse de dépôt est devenue mondiale. Le problème évidemment c’est que rendu à cette taille, le Québec a l’air bien petit. Ça crée des discussions quant au rôle de la Caisse; mondial comme poids, comme envergure, important - très important - au Canada, c’est absolument essentiel au Québec. C’est notre outil principal, et ça fait des années et des années qu’on cherche toujours la façon de s’en servir. Il y en a qui préfèrent que ça serve surtout à faire du rendement, il y en a d’autres qui pensent que veut, veut pas, la Caisse de dépôt doit participer, ne peut pas faire autrement que de participer au développement économique du Québec. Il y en a d’autres qui donnent un rôle plus volontaire encore à la Caisse de dépôt. C’est un débat qui dure depuis très longtemps, auquel monsieur Campeau et moi - je l’ai rencontré dans la salle ici - monsieur Campeau et moi avons participé longtemps, comme il a été dix ans président de la Caisse de dépôt. C’est l’outil principal dans tout ce secteur public.

Il y en a d’autres. Tenez, la SGF. Plus très important. A eu des malheurs. Commence peut-être à s’en tirer. A absorbé - je ne suis pas certain que c’était une très bonne idée - toutes espèces d’instruments financiers spécialisés. Spécialisés dans les mines, spécialisés dans la recherche de gaz et de pétrole, spécialisés en énergie. Cette espèce de ramassis de toutes espèces d’institutions spécialisées - comment dire - a de la difficulté à jouer son rôle à l’heure actuelle.

Investissement Québec. Fondamentale, comme institution. Ne fait pas parler d’elle particulièrement, c’est un bras puissant pour mettre en pratique les politiques industrielles ou économiques du gouvernement. Là encore, ça ne peut pas être acheté.

Ces institutions reflètent les choix que comme Québécois nous faisons. Ça n’a pas empêché des capitaux étrangers d’entrer au Québec, au contraire. Il y a beaucoup de capitaux, européens en particulier, qui entrent au Québec à la condition d’avoir - comment dire - un adjoint, un partenaire québécois. Je ne sais pas, moi, Pechiney, par exemple, qui a établi cette espèce d’immense usine d’aluminium; c’était le plus gros investissement à l’étranger que la France avait jamais fait et c’était le plus gros investissement étranger qu’on avait jamais eu. Pechiney s’est installée là avec la SGF. Il y a - dans un bon nombre de cas, la collaboration se fait sans difficulté. Mais pour ce qui a trait aux institutions qui drainent l’épargne des Québécois, on s’est monté un système dont on peut se servir en fonction des choix que comme société nous faisons. C’est proprement extraordinaire. Il faut bien en être conscient. Ça ne veut pas dire qu’on va s’en servir; un moment donné pour des raisons dogmatiques, ou pour des raisons de frayeur, il y en a qui, bien, diront : Seigneur, éloignez de moi ce Calice! Il y en a d’autres qui vont y aller avec un peu trop d’énergie, des fois on fait des erreurs comme tout le monde. Mais c’est remarquable.

Québec inc., c’est le produit de la collaboration de toutes ces institutions financières - surtout les nouvelles - avec la génération montante d’entrepreneurs québécois. Ce qu’on a appelé la garde montante, ça ne fait pas des années, que ça fonctionne. On a vu, grâce à l’appui de ce système financier, avec une collaboration de l’État - des avantages fiscaux et financiers très importants de l’État - on a vu apparaître une garde montante d’entrepreneurs importants. Il y en a déjà eu, des Québécois riches, ou des entrepreneurs québécois. Il y en a eu quelques uns dans le passé, oui, mais il y en a eu un ou deux par génération. Alors que là, depuis - depuis quoi, ça s’est fait dans les années soixante-dix, graduellement. Dans les années, au début des années quatre-vingt on commençait à voir, qu’il y avait un groupe, vraiment, quasiment une génération d’entrepreneurs qui commençait à apparaître. Et ces gens-là, de même que les institutions financières dont je viens de parler, ont pendant longtemps dans l’ensemble eu une vision québécoise des choses. Comprenons-nous bien, je ne veux pas dire qu’ils étaient tous séparatistes. Ce n’est pas ça, évidemment. Mais on peut à l’égard de l’économie avoir deux façons de regarder les choses : la canadienne, qui est la traditionnelle, et puis la québécoise qui est relativement nouvelle; ça nous a pris du temps pour la comprendre, pour comprendre ce que ça voulait dire.

Dans le cas qui va nous occuper ce soir, vous allez voir, il y a vraiment, quant à la bourse, deux visions des choses. Il y a une vision québécoise, et il y a une vision canadienne. Cette vision québécoise a provoqué de gros changements dans l’économie du Québec. On a l’habitude d’être très morose quant au - de ce temps-ci - quant au développement économique, mais sans vouloir trop simplifier - c’est évident que je simplifie beaucoup, dans ce que je vais vous dire - c’est quand même caractéristique. Quand j’étais jeune économiste, on prenait le taux de chômage de l’Ontario, puis on cachait avec sa main le taux du Québec. On regardait celui de l’Ontario puis on ajoutait cinquante pourcent. Puis là on enlevait la main puis on tombait dessus (inaudible) comme ça. Le mois dernier, le taux de chômage en Ontario était de 6.3 pourcent puis au Québec de 6.8. Ce n’est pas si mal. Ce n’est pas si mal, d’avoir refermé un écart comme ça. C’est sûr, il y a des tas de problèmes, je ne veux pas entrer là-dedans ce soir, ce n’est pas mon propos, mais tout ce que je veux dire c’est qu’il faut être assez fier de ce qu’on a fait. Même si souvent on ne savait pas très bien qu’on faisait ça. C’est sûr que le système financier que je viens de vous décrire, la plupart des gens ne l’ont pas vu comme ça. C’est apparu comme ça. Il y en a quelques uns qui avaient des idées derrière la tête, c’est bien sûr, mais, cette idée des centres de décision c’est une chose qui singulièrement maintenant doit devenir de plus en plus claire dans l’esprit des gens.

Ce que je veux dire, c’est que la mondialisation fait se déplacer les capitaux, les produits, les services - pour une part, les gens - à travers le monde. Les frontières économiques n’ont plus grand sens. Les frontières d’un pays ne définissent plus l’économie du pays. On ne définit plus un pays par son économie. Qu’est-ce qui, alors, qu’est-ce qui continue, comme habitants d’un pays, qu’est-ce qui continue de nous intéresser? Le sens des flux commerciaux? Non, ça va dans toutes les directions. Il faut s’intéresser aussi à la productivité de nos entreprises. Si la productivité est trop basse dans un monde où tout circule librement, on va se (inaudible). C’est vrai. Et d’autre part ce qu’il faut, dans un monde mondialisé, dans une économie mondialisée, ce qu’il faut d’abord et avant tout se poser comme problème, c’est où sont les centres de décision? Ce n’est pas indifférent.

Quand je veux dire un centre de décision, je ne veux pas dire simplement le siège social. J’ai l’air d’être loin de la Bourse, mais vous allez voir - en tout cas - ça va revenir tout à l’heure. Le siège social, je m’en fiche. Le siège social de La Banque de Nouvelle-Écosse, il est encore à Halifax. Le siège social de la Banque de Monréal puis de la Banque Royale sont à Montréal. Mais les affaires sont à Toronto. Les décisions se prennent là. Un centre de décision, ça vient avec bien des choses. Ça vient avec toute l’informatique, ça vient avec la recherche, le développement, les nouveaux projets, l’innovation. Le centre de décision, comme son nom l’indique, c’est là qu’on décide des choses. On peut même espérer accroître la productivité en se disant grâce à ça je vais devenir riche, mais si tous ceux qui interviennent dans l’économie sont ailleurs, on va trouver ça compliqué. On ne peut pas perdre de vue que dans cette mondialisation des choses, il est absolument essentiel de savoir où sont les centre de décision. Et quand on les a, de ne pas les perdre.

Dans un certain sens, je peux comprendre - j’allais dire - je peux comprendre qu’il y a des gens qui ne veulent pas se servir des instruments dont on dispose, ou ceux qui ne veulent pas se servir des centres de décision parce qu’ils en ont le contrôle. Pour des raisons peut-être dogmatiques, néo-libéralistes (inaudible). Mais, comme disait De Gaule, l’avenir dure longtemps. L’important c’est de savoir que les instruments sont là. Si une génération ne veut pas se servir des instruments, la suivante s’en servira. Mais il faut faire attention de ne pas les lâcher, surtout de les lâcher par inadvertance. Par manque de compréhension des choses. Ou encore pire, par frivolité.

Alors, je vais aborder maintenant la brèche qui est en train d’apparaître dans le système. Ça c’est nouveau. On parle de choses qui se sont passées depuis quelques années dans le système financier. D’abord il y a eu la Bourse de Montréal. Il y a dix ans - non huit ans - 1999. Là on décide d’envoyer à Toronto toutes les opération de bourse que j’appelerai simples, à défaut d’un meilleur terme, par rapport aux échanges d’actions contre argent. C’est la bourse dans le sens qu’on l’entend habituellement. Toutes les opérations de bourse ont été déménagées à Toronto. On sait, il y en a certains qui se sont beaucoup opposés à ça. C’était imprudent, en ce sens que, vu le régime d’épargne-actions, par exemple, qui a tellement contribué à faire, à transformer des PME québécoises en très grandes entreprises, qui a tellement contribué, ce régime d’épargne-actions, à faire apparaître, comme je le disais tout à l’heure, la garde montante - avec une seule bourse, on n’y serait jamais arrivé. Parce que le (inaudible) comportait des clauses qui étaient tout à fait impossibles à accepter dans une institution canadienne. Vous comprenez, ne pouvaient avoir accès aux avantages fiscaux de la procession de leurs actions que des Québécois, des - appliqués à des entreprises dont la principale place d’affaires et le siège social devaient être au Québec, vous ne voyez quand même pas Toronto commencer à jouer à ce jeu-là. S’il n’y avait pas eu une bourse à Montréal, on n’aurait jamais pu faire ça. D’autre part, ça joue très dur dans ce milieu économique. La Caisse de dépôt a été - on a interdit à Toronto, à la Caisse de dépôt d’opérer sur la Bourse de Toronto pendant plusieurs années. Pendant plusieurs années. Enfin, on trouvait ça un peu imprudent. Et puis néanmoins la décision a été prise, et la Bourse a filé à Toronto.

Ce qui est resté à Montréal c’est l’assurance que pendant dix ans, on aurait ici l’exclusivité des actions - du marché des actions dérivées. Les actions dérivées, j’ai essayé longtemps de me dire comment diable est-ce que je vais vous présenter ça? Il y a des aspects simples dans les actions dérivées. Par exemple, les options. Les marchés à terme. Les jeux sur indices boursiers. Ça c’est des dérivés. Ça c’est des produits dérivés. Mais, si on regarde ce qui vient de se passer, avec le papier commercial, il y a des opérations de produits dérivés là-dedans que je ne comprends pas - et j’ai l’impression de ne pas être le seul. C’est d’une complication absolument extraordinaire. En tout cas, on a dit à Montréal gardez ça. C’était peu de choses. C’était très peu de choses. Puis ils nous ont dit gardez le et faites ce que vous voulez avec, vous en avez l’exclusivité pour dix ans.

La deuxième brèche a été beaucoup plus importante, sans aucune espèce de commune mesure avec la première. Ça a été les amendements apportés à la Loi des banques. La Loi des banques, (inaudible) comme je vous l’ai dit tout à l’heure, on ne pouvait pas contrôler plus que dix pourcent des actions. Un actionnaire. Une société. Là, la Loi est changée, et on établit trois catégories de banques. Les banques qui ont un avoir-propre, des actionnaires, de plus de cinq milliards; pour ces banques, un actionnaire pourra contrôler jusqu’à vingt pourcent des actions. À l’autre bout, pour les actions, pour les banques qui ont un avoir-propre des actionnaires de moins d’un milliard, là, quelqu’un pourra acheter toute la banque. Il n’y en a que deux au Canada de cette catégorie, la Western Bank et la Laurentienne. Ça n’a pas eu de conséquences particulières parce que la seule banque syndiquée au Canada et personne ne veut y toucher. Pardon, Fernand, mais c’est la raison. Puis il y a une troisième catégorie, entre un milliard et cinq milliards. Entre un milliard et cinq milliards, on allait autoriser un actionnaire, une société, à contrôler jusqu’à soixante-cinq pourcent des actions à la condition que le reste soit réparti chez beaucoup d’actionnaires, dans la population. Dans cette catégorie gigantesque de un à cinq milliards, il y avait une seule banque, la Banque Nationale. C’est la plus importante des banques de PME au Québec. C’est notre principal outil, au Québec, de crédit à court terme aux entreprises. Et là c’était - là ça fait une grosse brèche.

Pourquoi on a fait ça? Bien, on a fait ça parce qu’il y avait des gens dans cette banque qui avaient beaucoup, beaucoup d’options, puis ils pensaient que ce serait une bonne idée s’ils vendaient le contrôle de leur banque, leurs actions vaudraient bien plus cher. Ce n’est pas exactement ce qu’il y a de plus - mais il y aussi, il y a l’arrière-pensée que, clairement - la preuve qu’il y a une arrière-pensée c’est que ceux qui voulaient jouer avec leurs options ont quitté la Banque, ils ne sont plus là, et récemment le capital de la Banque et l’avoir-propre de la Banque a dépassé un peu cinq milliards. Rapidement, Ottawa en a augmenté la limite à huit milliards. On veut qu’elle soit vendue. Alors, ça a passé proche. Il y a des banques étrangères qui se sont approchées très, très - de très près - de la Banque Nationale. Ça a tenu à cause du courage de quelques membres du conseil d’administration, mais il s’en est fallu de peu. Et la porte est toujours ouverte aujourd’hui. Puis là, l’avoir-propre est retombé en-dessous de cinq milliards, à cause des pertes sur le papier commercial, mais la porte est toujours ouverte. Je mets l’accent là-dessus beaucoup, parce que s’il fallait que ça se fasse, là on perd un des centres de décision majeurs de l’économie québécoise. Et là, bien, ce ne serait pas - il y a des choix à faire, un moment donné, entre faire du prêt aux PME ou bien financer Canary Warf à Londres. Je prends ces exemples parce que ce sont des exemples réels. Il y a une banque qui a perdu beaucoup d’argent dans Canary Warf.

Bon. Tout ça étant dit, on va aborder, dans le cadre que je viens d’esquisser, la transaction qui nous occupe. La Bourse de Montréal, donc, a le monopole temporaire des produits dérivés. Quand ça se fait, personne n’y croit. On a - il y a monsieur Turmel, de la Banque Nationale, qui lui y croit très fort, que ça va marcher, ces produits dérivés. Mais il est entouré d’une bande de jeunes, et la plupart des gens n’y croient pas. Ça va être un succès étonnant. Pour vous en donner un exemple, la capitalisation de la Bourse de Montréal au moment de l’entente, en 1999, est de 24 millions de dollars. Il y a un an - un peu moins - elle a passé un milliard trois cents millions de capitalisation. C’est un succès financier extraordinaire.

D’autre part, c’est aussi une tentative d’expansion de nouvelles technologies à travers l’Amérique du Nord. Ils ont développé - cette bande de jeunes - ont développé une plateforme de transactions unique. Ils appellent ça SOLA, ils s’en sont servi pour commencer un certain nombre d’opérations. D’abord ils ont monté un système de compensation - ça c’était inévitable - et puis ils ont abordé une banque américaine de produits dérivés à Boston. Ils en ont acheté le quart des actions, là ils viennent d’en acheter un peu plus que la moitié. Ils contrôlent maintenant une belle opération de produits dérivés aux Etats-Unis. Ça s’appelle BOX, comme une boîte. En 2007, au début de 2007, ils s’entendent avec une bourse de métaux de New York, NYNEX, pour établir une bourse canadienne de ressources. Un peu énergie, mais surtout minéraux-métaux. Un peu avant, ils se sont entendus avec la Bourse de Chicago pour faire une opération conjointe - c’est la Bourse, une partie de la Bourse de Chicago qui s’appelle le Chicago Climate Exchange - pour monter un marché climatique à Montréal, bourse de carbone, qui est mise en place en attendant évidemment que le gouvernement fédéral se décide pour savoir ce qu’il va faire. Mais l’organisation est en place, c’est une opération - comment dire - à parts égales Chicago-Montréal. Vous comprenez, à partir de technologies, d’une technologie qu’ils ont mise au point, ils sont en train de pénétrer dans des marchés tout à fait nouveaux, pour nous, même s’ils existent ailleurs en Amérique du Nord. Et ils commencent à procéder à l’échelle du continent. Et là, là ça commence à aller mal.

Les actions ont beaucoup, beaucoup augmenté de valeur. C’est des placements - tout le monde est parfaitement conscient que, qu’ils sont - c’est le cas de le dire - assis sur une mine d’or. Le personnel a beaucoup acheté d’actions. Le personnel contrôle presque sept pourcent des actions, sept-huit pourcent des actions. La Caisse de dépôt contrôle, en contrôle huit pourcent. La Banque Nationale en contrôle un bon paquet, Desjardins en contrôle un bon paquet. On se retrouve tous, et Québec inc. joue, mais - d’abord le papier commercial, la crise du papier commercial va faire mal. On le voit dans leurs états financiers, c’est moins bon, nettement moins bon que c’était. Là il y a des gens, parmi les détenteurs d’actions, qui se disent : bon, oui, la valeur de nos actions commence à baisser.

D’autre part, Toronto se prépare à faire sauter le monopole de Montréal en 2009. Alors, avec International Securities Exchange, qui relève de la bourse, d’une bourse, de la bourse allemande, la Deutsche Borse, ils montent un système, une bourse de produits dérivés, qui ne commence pas tout de suite, qui commencera en 2009 (inaudible). Tout récemment, ils passent une entente avec Standard & Poor’s de façon à ce que tous les produits dérivés sur index de Standard & Poor’s, la bourse des produits dérivés de Toronto, quand elle sera créée, en aura l’exclusivité. Ça, ça représente neuf pourcent du chiffre d’affaires de la Bourse de Montréal. On prend peur, c’est sûr. Il y a des gens qui regardent leur actions monter et qui se disent on veut perdre le moins possible.

Le Mouvement Desjardins vend alors ses actions de la Bourse de Montréal, et devient conseiller financier de la Bourse de Toronto, pour que Toronto achète Montréal. Ça c’est - je vous laisse apprécier. Et alors, on présente à ces, à ceux qui ont littéralement créé cette bourse à Montréal - et qui, encore une fois j’insiste là-dessus, sur le plan technologique, qui est une merveille - ils font une proposition d’achat. Comme on sait, ça a parlé de Toronto qui achète une autre partie de Montréal, qui achète le reste de Montréal. Ça va faire crier. Là on va parler de fusion, de regroupement. Mais comprenons-nous bien, je vais vous en donner les détails tout à l’heure : Toronto achète Montréal. Alors on va décrire un peu la transaction dont il s’agit.

Il y a dans les statuts de la Bourse de Montréal une disposition en vertu de laquelle on ne peut pas changer les règlements de la Bourse sans l’autorisation de l’Autorité des marchés financiers. Ça se comprend; c’est largement destiné à vous protéger, vous. Ce n’est pas vrai que quelqu’un va entrer à la Bourse de Montréal et va changer les règlements, et que les investisseurs vont se réveiller avec des changements qui ont été complètement bouleversés. Donc on ne va pas changer les règlements sans que l’Autorité des marchés financiers ne donne son accord. Mais là les dispositions qu’il s’agit de changer - il s’agit d’une vente, là, ce n’est pas seulement un changement dans les règlements. Moi, je - je ne suis pas le seul - je ne suis pas tout à fait certain que si ça avait été devant les tribunaux, on aurait reconnu l’Autorité des marchés financiers sur l’ensemble des dispositions dont je vais vous parler ce soir. Mais enfin, les deux parties, Toronto et Montréal, reconnaissent l’autorité de l’Autorité des marchés financiers, sa compétence pour décider. Alors bravo, n’en parlons plus.

Évidemment, l’Autorité des marchés financiers a le droit de refuser. Certains considèrent que c’est un droit théorique - écoutez, vous ne pouvez pas faire ça, écoutez l’entente est déjà faite entre les deux, l’assemblée des actionnaires vient de l’approuver, ce n’est pas sérieux, votre affaire, vous ne pouvez pas interdire; corriger certaines choses, peut-être, mais pas interdire. Il ne faut pas raisoner comme ça. Il est sûr que si on dit l’Autorité des marchés financiers peut suggérer des changements mais ne peut pas interdire, il n’y aura pas de changements, ça va de soi. On dira - on les poussera gentiment puis on dira aux gens écoutez, bien, maintenant, laissez-nous tranquilles. Alors donc, je comprends très bien à quel point ce serait énorme qu’il y ait un refus, mais, il faut le tenir en vie. D’autre part, il faut aussi comprendre que quand une transaction est aussi avancée que celle-là, il ne faut pas refuser pour des broutilles. Ça n’a pas de sens. Toronto, parfaitement conscient de ça, a commencé à ouvrir, pour donner des garanties - je vais en parler tout à l’heure.

Une chose en tout cas est déjà acceptée : c’est que la clause du dix pourcent à Montréal saute. On reviendra sur le dix pourcent de Toronto plus tard, mais là il faut bien comprendre que là on a accepté comme actionnaire - la Bourse de Toronto achète la Bourse de Montréal. Tout le capital-actions. Cent pourcent. Donc il y a déjà une clause qui a sauté.

Une autre chose qui a été décidée, et ça je ne vois pas très bien comment on peut revenir là-dessus, c’est que le conseil d’administration de la Bourse de Montréal va être le même que le conseil d’administration de la Bourse de Toronto. Et la Bourse de Montréal sera une filiale à cent pourcent de la Bourse de Toronto. Là, c’est pour ça que c’est tellement drôle, ou pénible, comme vous voudrez, c’est à pleurer de parler de fusion. Il n’y a pas de fusion là-dedans. Le président de la Bourse de Montréal est un employé - le texte est clair - est un employé de la Bourse de Toronto. Il a un contrat de travail avec la Bourse de Toronto.

Bon, qu’est-ce que l’AMF demande? D’abord, l’AMF veut qu’on assure la pérénité des opérations de la Bourse de Montréal à Montréal pour tout ce qui a trait aux produits dérivés. C’est clair. Donc, arrangez-vous comme vous voudrez, mais les produits dérivés restent à Montréal.

Deuxième chose : la Bourse de Montréal doit avoir, recevoir de la Bourse de Toronto, les ressources financières et les ressources humaines pour assurer à la Bourse le développement et le rayonnement dans les marchés de produits - je m’excuse de lire mes notes, mais chaque mot compte - de produits dérivés à l’échelle nord-américaine et internationale. Donc la Bourse de Montréal, qui déjà traite des transactions dans le monde entier et qui développe ses transactions en Amérique du Nord, comme on l’a vu tout à l’heure, continue.

Et puis finalement, exige qu’un certain nombre de dispositions de protection des épargnants, puisque la Bourse de Montréal est un organisme d’auto-réglementation, et doit devenir un organisme d’auto-réglementation dans Toronto aussi. Ça c’est des choses qu’on peut leur laisser, ils font ça très bien.

Le point de vue de Toronto, c’est quoi? Et là je vais vous citer des passages - des passages très importants, tous les mots comptent, dans ce rapport - le Regroupement - on parle encore de regroupement - permettra de créer des perspectives et des stratégies de croissance, notamment des stratégies de croissance à l’extérieur du Canada et en particulier aux États-Unis, au moyen de la participation de la Demanderesse - ça c’est la Bourse de Montréal - dans BOX - Boston - ce à quoi le Groupe TSX tient tout particulièrement (inaudible) tout particulièrement. On les comprend. Alors, l’avenir est à Boston. Phrase suivante : les activités liées à la négociation d’instruments dérivés demeureront à Montréal. Là on parle de l’élaboration de nouveaux produits. Donc, ça a l’air d’être contradictoire, les activités liées à la négociation d’instruments dérivés demeureront à Montréal. Ils viennent juste de dire que ce qui les intéresse c’est le développement aux Etats-Unis. Les parties au Regroupement se sont entendues pour que la Bourse s’occupe de la gestion et des activités canadiennes liées aux droits d’émissions de carbone, et de gérer MCEX - c’est la Bourse des produits d’environnement - comme l’un des principaux marchés pour les négociations des produits environnementaux. Un des principaux marchés. Alors donc, on nous ramène sur les opérations canadiennes à Montréal. Et finalement, il n’existe par ailleurs aucun plan en vue de modifier la Bourse par rapport à BOX. Donc ce n’est pas un engagement qu’on prend, on dit pour BOX, là, puis Boston, c’est sûr que ça nous intéresse, ça c’est ce qui nous intéresse le plus, mais on ne prend pas d’engagement pour garder BOX à Montréal. Non, non, non, on n’a pas de plan actuellement. Demain on en aura. Et alors tout ça se résume, maintenant, dans une dernière citation, je ne vous embêterai pas plus, mais sérieusement, c’est - ça se lit comme un roman policier, cette affaire - dans le cadre du Regroupement, le Groupe TSX – donc Toronto - a convenu de fournir des engagements à l’Autorité afin que la Bourse demeure la bourse nationale canadienne de négociation de tous les instruments dérivés et produits connexes. Ce qu’ils veulent dire : qu’elle continuera à exercer ses activités partout au Canada. Ils s’engagent. Et, ce qui était le dynamisme essentiel de la Bourse de Montréal, on lui coupe les ailes.

Bon. Qu’est-ce qu’on fait à partir de là? C’est sûr qu’il faut faire bonne impression. Il faut qu’on indique que quand même à Montréal il va se passer des choses. Alors dans l’entente il y a des dispositions qui donnent au président actuel de la Bourse de Montréal, monsieur Bertrand, des responsabilités formidables, même plus étendues que celles qu’il a à l’heure actuelle. Il va en mener large. Il va en mener large. Mais il est indiqué que pour son successeur, on déterminera plus tard ses responsabilités. OK. Quant au conseil d’administration, il y aura 5 membres sur 18 qui seront nommés par la Bourse de Montréal. Ça c’est intéressant. C’est 5 personnes désignées par la Bourse de Montréal, juste avant la fusion, comme ils l’appellent, sur les 18 membres du conseil. Ça, ça correspond à un engagement de vingt-cinq pourcent des membres du conseil, ce qui est correct compte tenu des actifs réciproques (inaudible). De ces membres nommés par Montréal, il faudrait qu’il y en ait un sur chacun des comités de la Bourse de Toronto. Ça ce n’est pas mal. Ça c’est, vous voyez, on va aller travailler, là, avec ça. Mais c’est valable pour trois ans. Par la suite, le seul engagement de la Bourse de Toronto, c’est que cinq de ses membres, du conseil d’administration, devront être des résidents du Québec. Ça peut être n’importe qui. Ça ne représenterait d’aucune espèce de façon les intérêts de la Bourse de Montréal. Cinq. La seule condition c’est qu’ils soient des résidents du Québec. Puis dernière chose, à la réunion du conseil d’administration de - c’était quoi? Avant-hier? - on demande au président de la Bourse de Montréal : d’où va opérer SOLA? SOLA, je vous le rappelle, c’est la plateforme technologique. Il a refusé de répondre. Je ne sais pas si c’est le journaliste. Je ne veux pas tirer - j’ai une confiance limitée dans ce que rapportent les journaux, mais - je vais checker ça, si vous me passez l’expression vulgaire.

Là, il est clair qu’on a un certain nombre de choses à faire. Pas très, très compliquées, mais qu’il va falloir faire. Il faut demander à l’Autorité des marchés financiers de clarifier qu’est-ce que c’est que la bourse nationale canadienne. Est-ce qu’à Montréal on va manipuler seulement les opérations qui concernent des - j’allais dire, en fait - des actionnaires canadiens? Ça, ce n’est pas clair : si on va opérer à l’étranger, ou si à l’égard de l’étranger Toronto se sert de BOX, ou des instruments que Montréal a développés pour développer des affaires en dehors de Montréal. Là on ne sait pas quoi. Je mets si (inaudible) parce que je suis gentil. Mais là il y a des clarifications très claires, des garanties à obtenir sur ce plan : qu’est-ce que c’est exactement qu’on va maintenir comme activités à Montréal? Quel pouvoir est-ce qu’il y aura, à Montréal, de développer des affaires? C’est bien important, ça. Écoutez, c’est - à l’heure actuelle, il y a 285 personnes qui travaillent là. Un grand nombre de ces postes sont des postes techniquement extraordinairement avancés. Ce serait vraiment complètement idiot de perdre ça. Ou d’en perdre les deux tiers et de se retrouver avec une coquille vide. L’avenir est dans ces nouvelles technologies. C’est dans l’innovation, c’est dans la formation technique, scientifique. On ne peut pas laisser aller ça; comme ça, en tout cas.

Deuxième chose, moi je pense que le MÉDAC - Allaire, dans l’article de La Presse, du (inaudible) sur la gouvernance des entreprises - moi aussi, on va être plusieurs à revenir sur la même idée : les cinq membres du conseil d’administration nommés par la Bourse de Montréal, avec le processus de remplacement tel qu’il existe, tel qu’il est annoncé à l’heure actuelle, que ça ne soit pas valable pour trois ans, que ça soit valable pour dix ans. Parce que là ce que ça veut dire c’est qu’on va - trois ans, on attend puis on défait tout; dix ans, là on est obligé de, on est obligé de faire avec, à Toronto. Alors ça, je pense que tout le monde va probablement se ramasser autour de la même recommandation, de la même idée là-dessus.

D’autre part, il faut bétonner que la Bourse de Toronto va maintenir le dix pourcent. La clause du dix pourcent. C’est à dire, un actionnaire ne peut pas contrôler plus de dix pourcent des actions, de la Bourse de Toronto, et donc de l’amalgame des deux. Ça, l’AMF, semble-t-il, l’Autorité des marchés financiers, semble-t-il, va exiger ça. Va exiger que Toronto ne puisse pas changer sa règle de dix pourcent sans que l’Autorité des marchés financiers soit d’accord. Ça, c’est capital. Parce que c’est ça qui nous permettrait, pour la Caisse, de prendre sept-huit pourcent de Toronto, pour la Banque Nationale, de prendre sept-huit pourcent de Toronto, pour Desjardins - c’est bien la moindre des choses, après ce qu’ils ont fait ils sont capables de prendre sept-huit pourcent de Toronto, s’ils trouvent ça tellement bon. Puis de proches en proches, il y en a d’autres qui peuvent être intéressés. De façon à ce que ces gens s’entendent - non, interdit de s’entendre, il faut que, il ne faut pas que les actionnaires soient liés; un actionnaire peut contrôler dix pourcent mais il ne peut pas s’entendre avec d’autres puis faire des - la seule possibilité que des amis ont, quand ils contrôlent des morceaux, comme ça, c’est de se parler, déjeuner…

Vous voyez pour pouvoir opérer des, les changements pour assurer la vente de Montréal à Toronto, à l’assemblée qui vient d’avoir lieu, il fallait que 66 pourcent des actionnaires présents l’approuve. Ça a été 99 pourcent. Dans d’autres circonstances, un sept-huit pourcent ici, un sept-huit pourcent là, (inaudible) il y a des tas de possibilités. Une condition : c’est que le dix pourcent reste ouvert, et que l’Autorité des marchés financiers empêche qu’on ferme ça. On ne s’en servira pas cette année? OK. On ne s’en servira pas dans cinq ans? Très bien. On ne veut pas s’en servir parce qu’on juge que l’économie va bien quand on n’y touche pas? OK. Mais ça reste là. Il y a peut-être des gens un jour qui vont penser s’en servir. Ce sont les instruments dont je parlais tout à l’heure.

Avec ça, les trois choses dont je viens de parler - comment dire - on peut marcher. J’y vais à grands traits parce qu’il y a des choses plus précises qu’il faudrait vérifier. Comme, par exemple, le statut - je n’entre pas dans les détails, mais - le statut des administrateurs indépendants. Ça, il y a moyen d’empêcher le jeu dont je viens de vous parler en définissant les administrateurs indépendants de façon à ce que tous les gens dont je vous ai parlé tout à l’heure n’aient pas le droit de siéger sur le conseil. Mais à part ça c’est des (inaudible) techniques, qu’on peut faire. L’important, seulement, à mon sens, c’est les trois choses dont je viens de vous parler.

Bon. Ce n’est pas parce qu’on approche la question comme je l’ai fait, qu’on essaie d’arranger les outils qu’on cherche à nous enlever, que nécessairement ça va fonctionner comme on le pensait. Québec inc. a du plomb dans l’aile. C’est la première fois que je vois Desjardins et la Caisse de dépôt aussi opposés que ça. Là nous assistons à une vraie chicane à l’intérieur de Québec inc. sur cette histoire. On peut amener le cheval au ruisseau, lui mettre la tête dans l’eau, mais on ne peut pas le forcer à boire. L’important encore une fois c’est que le système soit monté de façon à ce que si on veut s’en servir, et quand je dis on, je veux dire ceux qui ont cette perspective québécoise des choses, si on veut s’en servir, on peut s’en servir.

On dira que le discours que je tiens est protectionniste, à rebours de la mondialisation. Pas du tout. La mondialisation, ça ne consiste pas à vendre les entreprises québécoises à Toronto ou à vendre des entreprises canadiennes à New York. Ça, ce n’est pas la mondialisation, ça existe depuis toujours. Il n’y a rien de changé. Il y a tellement d’entreprises qui ont suivi ce cheminement, que de nous accuser d’aller à l’encontre de la mondialisation, c’est ridicule. Au contraire, ce serait se servir du chant de la mondialisation de façon très intelligente, à partir de découvertes technologiques que l’on fait ici, au Québec, de pénétrer des marchés nord-américains comme ça avait commencé à le faire, ça oui. Ce genre de mondialisation? Et comment. Protectionnisme? Non, non, non. Ce n’est pas du protectionnisme.

On se comprend, dans tous les pays, à l’heure actuelle, on cherche des moyens de conserver ou de préserver ces centres de décision. En Angleterre, madame Tatcher a privatisé un paquet de choses, puis a gardé pour chacune de ces entreprises le golden share. Le golden share c’est une action qui a préséance sur toutes les autres actions, et dont le gouvernement se sert s’il s’agit du changement de contrôle de l’entreprise ou le changement de sa vocation. Seulement dans ces cas-là. Dans certains États américains, on interdit, on donne aux entreprises qui ont leur siège social là-bas, qui sont enregistrées là-bas, la possibilité de se défendre contre ce qu’on appelle les tentatives de prises de contrôle hostiles. Et quand les Chinois veulent mettre la main sur une compagnie pétrolière aux Etats-Unis, le Congrès montre les dents. Et, en France, on a établi ce qu’on appelle les noyaux durs. Assez proches de l’hypothèse que je soulevais tout à l’heure, les noyaux durs c’est quatre ou cinq actionnaires qui deviennent un peu la référence pour les autres.

Il y a une infinité de moyens pour faire en sorte qu’on protège les centres de décision à l’intérieur d’une société, à cause de l’importance que ça a. Il faut que nous on cesse de se faire des scrupules quand on cherche essentiellement à maintenir la capacité de la société québécoise à régler ses affaires.

Merci.

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Transcription : Maxime Grignon

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