La Nationale refuse les femmes

8 mars 2007
La Presse canadienne, Le Devoir

Les actionnaires de la Banque Nationale ont refusé, hier, d’adopter une proposition du « Robin des banques », Yves Michaud, visant à faire en sorte qu’au moins 30 % des membres du conseil d’administration de l’institution soient des femmes.

À l’occasion de l’assemblée annuelle des actionnaires, le chef de l’exploitation et futur président de la Banque, Louis Vachon, a par ailleurs entrouvert la porte à un fractionnement de l’action lorsque sa valeur atteindra 75 $, ce qui en faciliterait l’achat pour les petits investisseurs.

La proposition sur la présence des femmes au conseil a été rejetée dans une proportion de 94,9 %.

« Ça veut dire que les bonzes, comme la Caisse de dépôt, comme les grands investisseurs institutionnels, ne veulent pas voir les femmes là-dedans », s’est indigné M. Michaud, président du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC). « C’est toujours le “old boys network”. »

Comme le conseil d’administration de la Banque Nationale compte déjà trois femmes sur 15, soit 20 %, Yves Michaud ne demandait que l’ajout de deux femmes pour atteindre le seuil de 30 %, et ce, au cours des trois prochaines années. « N’auraient-ils pas pu trouver deux femmes en trois ans? » demande-t-il.

Dans la circulaire remise aux actionnaires, la Banque Nationale assure qu’elle « est très sensible à la présence des femmes au sein de son conseil » et qu’elle ne fait pas preuve de discrimination quant au sexe.

Yves Michaud se console néanmoins en se rappelant que souvent, les banques finissent par suivre ses propositions, même si elles s’y opposent dans un premier temps. « D’ici deux ans, vous allez voir, il va y avoir un tiers de femmes au conseil », prévoit-il.

En décembre, l’Assemblée nationale a adopté la loi 53 qui fera en sorte que dans cinq ans, la moitié des membres des conseils d’administration des sociétés d’État québécoises seront des femmes. En Norvège, les conseils de toutes les entreprises cotées en Bourse devront comporter 40 % de femmes en 2008.

Le Robin des banques a tout de même enregistré une victoire bien réelle, hier, quand sa proposition visant la divulgation d’informations sur les contrats octroyés aux cabinets-conseils en rémunération a été adoptée dans une proportion de 80 %.

« C’est la première fois, si je ne m’abuse, qu’une banque approuve une des résolutions d’un actionnaire ou d’un mouvement », se réjouit M. Michaud.

Les actionnaires ont rejeté à plus de 95 % la proposition du MÉDAC prônant que la rémunération des dirigeants de la Banque soit « en relation » avec le salaire moyen des employés, les coûts et les succès financiers de l’institution.

Par contre, la proposition demandant à la Banque de dévoiler de l’information sur sa participation dans les fonds de couverture a reçu l’appui notable de 13 % des voix exprimées. Selon Yves Michaud, un tel appui signifie que certains investisseurs institutionnels ont voté en faveur de la proposition.

« C’est un signal fort qui est envoyé à la direction : “faites attention aux mouvements spéculatifs”, estime-t-il. Et donc ils vont être un peu plus prudents, là. »

Les propositions faites par un actionnaire néo-écossais, Lowell Weir, de tenir certaines assemblées annuelles en anglais à l’extérieur du Québec ont été rejetées dans une proportion de 99 %, tout comme celle réclamant l’élimination de la « politique actuelle [non officielle] de discrimination contre les candidats non francophones au poste de chef de la direction ».

Fractionnement

Interrogé par un actionnaire sur la possibilité que la Banque fractionne son action, dont le cours frôle actuellement les 65 $, M. Vachon s’est montré ouvert. Quelques minutes plus tard, en conférence de presse, il a précisé sa pensée.

« Nous commencerons à envisager une telle possibilité lorsque l’action se transigera entre 75 et 100 $ », a expliqué le chef de l’exploitation, en soulignant que la plupart des entreprises amorçaient leur réflexion sur le sujet quand leur titre dépassait les 90 $.

L’assemblée annuelle d’hier était la dernière de Réal Raymond à titre de président et chef de la direction. Le 1er juin, Louis Vachon le remplacera à ce poste. Dans ce qui était probablement son chant du cygne, M. Raymond a tenu à répéter ses suppliques au sujet des fusions bancaires et de la vente d’assurance dans les succursales de la BN.

« Cela se traduirait par une facilité d’accès accrue, de faibles coûts et des innovations continues », a-t-il plaidé, en rappelant que « des millions de Canadiens, surtout les moins fortunés, vivent toujours sans assurance ».

En 2006, Réal Raymond a empoché une rémunération totale (incluant les actions) de 6,9 millions, tandis que M. Vachon a touché 6,7 millions. Âgé de 57 ans, M. Raymond aura droit à une rente annuelle de 1,2 million dans trois ans.

Depuis 2002, la valeur boursière de la Banque Nationale a doublé pour atteindre plus de 10 milliards, a noté M. Raymond.

« Pour les actionnaires, cela s’est traduit par un rendement plus qu’intéressant sur leurs investissements, a-t-il dit. En effet, le rendement de l’action ordinaire, en tenant compte du réinvestissement des dividendes, a été de 24 % en moyenne sur cinq ans. »

L’an dernier, la Banque Nationale a dégagé des profits records de 871 millions.

Plus tôt cette semaine, l’agence de notation Moody’s a révisé à la hausse la cote de crédit de la Banque sur sa dette de premier rang à Aa1, le même niveau que les grandes institutions financières de Toronto.

À la Bourse de Toronto, mercredi, le titre de la BN a perdu 10 ¢ pour clôturer à 64,25 $.

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